L’athée
Il n’y parviendra pas ; il a beau dans sa course
Se serrer à deux mains le cœur,
Comme pour comprimer la source
De l’intarissable douleur ;
La douleur ! elle gonfle, elle bat ses artères,
Elle l’étreint de tous côtés,
Dans les lieux les plus solitaires,
Sur les bords les plus fréquentés.
Qu’il aille au haut des monts, qu’il aille sur la crête
Du roc le plus retentissant,
Dans le calme ou dans la tempête,
Sur la terre ou sur l’Océan,
Il entendra toujours le grand mot qu’il redoute,
Partout à toute heure, en tout lieu,
Les pierres même de la route
Lui crieront le nom de son Dieu.
Oh ! oui, c’est en vain qu’il espère,
Qu’il implore un sommeil sans fin ;
Une voix, sourde à sa prière,
Lui jette le mot de demain.
C’est en vain qu’il se réfugie
Dans les ténèbres de l’orgie,
Dans les abîmes de la nuit :
Comme une ardente chasseresse
Qui toujours le traque et le presse,
Son immortalité le suit.
Et quand sa paupière alourdie
Se ferme au soleil d’ici-bas,
Quand sa voix mourante mendie
Un jour de plus qu’il n’aura pas,
Oh ! c’est là qu’il tremble et recule ;
C’est là qu’un affreux crépuscule
Lui fait pousser un cri profond :
« À moi, j’ai peur ! à moi, je tombe ! »
Car il s’aperçoit que la tombe,
Froide au bord, est brûlante au fond.
Édouard TURQUETY.
Recueilli dans Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1843.