Solitude
Solitude, Souffrance, oh ! que vous êtes belles !
Anges errants, la nuit,
Heureux qui peut toucher les plumes de vos ailes,
Et plus heureuse encore est l’âme qui vous suit !
Autrefois, sur les bords du lac de Galilée,
Un jeune homme rêveur
Allait s’asseoir auprès d’une roche isolée...
Sa robe était de lin, son nom était Sauveur.
Il n’avait pas vingt ans ; sa blonde chevelure
Retombait mollement,
Et son regard numide errait à l’aventure
De la rive sur l’eau, de l’onde au firmament.
Il était doux de cœur, mais de pensée austère ;
Pauvre, silencieux :
On voyait que cette âme avait choisi la terre
Pour pleurer un moment et remonter aux cieux.
D’où venait sa pâleur ?... pourquoi son front pudique
Vers le sable penché ?...
Pourquoi ses longs soupirs, plus doux que le cantique
De l’ange séraphin près de l’arche couché ?...
Pourquoi ? C’est qu’il souffrait d’une angoisse infinie,
C’est qu’il voyait venir
La couronne d’épine et l’amère agonie,
Lui, descendu du ciel pour aimer et bénir !
Souffrance, Solitude, oh ! que vous êtes saintes !
La Grâce est votre sœur,
Et comme les rochers ont leurs fleurs hyacinthes,
Vous avez des parfums d’une grande douceur.
Vous seules enseignez que la peine est fragile !
Avec vous seulement
L’homme purifié dédaigne son argile,
Pour sa beauté native et son blanc vêtement.
Ô pâle Solitude, ô Souffrance isolée,
Qui ne vous aime pas
Ignore le Sauveur, Jésus de Galilée,
Qui, jusques à la fin, vous cherchait ici-bas.
Espère donc, mon âme, et choisis ton asile
Loin de l’humanité...
Mon âme, espère donc, car la terre est une île
Sur l’océan divin qu’on nomme Éternité.
Jules de SAINT-FÉLIX.
Recueilli dans Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1843.