Stances

 

 

                          La mort, c’est le matin d’une céleste vie.

                                                                ÉLISA MERCOEUR.

 

 

Ne jamais redouter le temps qui nous entraîne,

Attendre sans effroi son rappel vers les cieux,

Chaque jour détacher un anneau de sa chaîne,

Mourir sans exhaler des regrets pour adieux.

 

Supporter sans chagrin l’oubli de la richesse,

Deviner au regard ce qu’éprouve le cœur

Sans cesse prodiguer la plainte à la tristesse,

Et présenter joyeux un sourire au bonheur.

 

À l’indigent ami tendre la main d’un frère,

Alléger ses malheurs en lui parlant des cieux ;

Et, fidèle, toujours soulageant sa misère,

De consolants pavots couvrir ses tristes yeux.

 

Si d’un tourment cruel l’aiguillon nous déchire,

Si le monde menteur réclame encor nos pas,

À ce caméléon affecter de sourire,

Pour lui cacher un mal qu’il ne calmerait pas.

 

Aimer pour enchanter les peines de sa vie

Muet à tout soupçon, loin de soi l’exiler,

Retrouver dans ses fils sa jeunesse flétrie ;

Et comme un doux parfum, sur le soir s’exhaler.

 

Ainsi l’heure toujours en succédant à l’heure,

Lui devrait révéler quelques nouveaux bienfaits ;

Jusqu’au jour où, s’ouvrant la céleste demeure,

L’âme au sein de son Dieu se repose à jamais.

 

 

             (Octobre 1836.)

 

 

Élisa MERCOEUR, Œuvres complètes, t. I, 1843.

 

 

 

 

 

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