Le fil de la Vierge

 

 

Pauvre fil qu’autrefois ma jeune rêverie,

                         Naïve enfant,

Croyait abandonné par la Vierge Marie

                         Au gré du vent ;

Dérobé par la brise à son voile de soie,

                         Fil précieux,

Quel est le chérubin dont le souffle t’envoie

                         Si loin des cieux ?

Viens-tu de Bethléem, la bourgade bénie,

                         Frêle vapeur

De l’encens qu’apportaient les mages d’Arménie

                         Pour le Seigneur ?

Sous les palmiers du Nil, la ronce te prit-elle

                         Au manteau bleu

Où la reine des cieux, fugitive et mortelle,

                         Cachait un Dieu ?

 

Détaché quelque part de sa blanche auréole,

                         Oh ! quand tu viens,

Furtif et méconnu comme un faible symbole

                         Des vieux chrétiens,

Oh ! je t’aime ! vois-tu, parce qu’une croyance

                         Est avec toi !

Tu viens comme un lambeau de la première enfance

                         Et de sa foi !

Tu viens comme autrefois ces blanches tourterelles,

                         Discrets courriers,

Portant un peu d’espoir, suspendu sous leurs ailes,

                         Aux prisonniers ;

Tu me rends d’autrefois les tranquilles soirées,

                         Et les enfants,

Et les vierges marchant dans les fêtes sacrées

                         En voiles blancs ;

Et ce temps d’innocence où l’âme est tout éprise

                         Pour une fleur,

Quand l’orgue aux longs accords soupirait dans l’église

                         Avec mon cœur ;

Quand l’ombre de ma mère, attentive et charmée,

                         Venait le soir

Écarter les rideaux de l’alcôve fermée

                         Pour mieux me voir.

Adieu, pauvre fil blanc. Je t’aime... Vole encore !

                         Mais ne va pas

T’arrêter au buisson dont l’épine dévore

                         Et tend les bras !

Ne te repose pas, quand du haut des tourelles,

                         Le jour a fui :

Vole haut, près de Dieu : les seuls amours fidèles

                         Sont avec lui.

 

 

Louis-Charles MAURICE-SAINT-AGUET.

 

Recueilli dans Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1843.

 

 

 

 

 

www.biblisem.net