Hymne à la patrie

 

 

Autel que l’on dépouille et qu’il faudrait orner,

Autel d’où l’on écarte au lieu d’y ramener,

Patriotisme, hélas ! dont les flammes trop pâles

S’éteignent sous les mains des tremblantes vestales,

Où l’âme des héros ne plane plus qu’en deuil,

Où le vieux glaive dort comme sur un cercueil,

Où des drapeaux penchés le vent tire une plainte,

Je t’embrasse aujourd’hui d’une plus vive étreinte.

 

Blanche statue, on dit que ton marbre insulté

Doit faire place au dieu qu’on nomme Humanité ;

On dit que ton saint culte était une hérésie,

Et qu’il nous faut rougir de cette idolâtrie. –

Proscrivez donc aussi le culte des tombeaux,

Des pieux souvenirs, et des riants berceaux !

 

Vous aurez beau chanter, bardes socialistes,

Vous aurez beau parler, avocats optimistes,

Et vous, acteurs toujours fardés de dévouement,

Derrière votre peur retranchés lâchement,

Qui du manteau troué d’un faux patriotisme

Voulez en vain cacher l’ulcère d’égoïsme :

Vous ne pourrez jamais rendre égaux à nos yeux

Le sol de l’étranger et le sol des aïeux ;

 

Vous ne verserez pas aux langues étrangères

Ce miel qu’a seul pour nous l’idiome de nos mères ;

Vous ne pourrez jamais détruire dans les cœurs

Ni le fiel des vaincus, ni l’orgueil des vainqueurs ;

Vous ne changerez pas l’instinct des vieilles races ;

L’histoire fume encor de leurs sanglantes traces ;

Laissez les nations marcher dans leur chemin,

Ou, pour les réformer, changez le cœur humain.

 

Conservons, conservons les vertus anciennes,

L’ombrageuse fierté des âmes citoyennes,

Le respect des grands noms, trésor du souvenir,

Chaîne dont le passé nous lie à l’avenir.

 

 

Nicolas MARTIN.

 

Recueilli dans Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1843.

 

 

 

 

 

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