En Suède

 

 

Pendant l’hiver en Suède, à l’heure où vient la nuit,

Souvent le voyageur n’entend plus aucun bruit.

Nul oiseau dans les prés ne voltige et ne chante,

Nul ruisseau murmurant au vallon ne serpente,

Nul insecte ne passe en bourdonnant dans l’air :

La plaine entière dort sous son linceul d’hiver ;

Le vent dort dans les bois, le lac dort sous la glace.

Tout est inanimé, tout se tait dans l’espace.

Que si la lune alors, le long du ciel obscur,

Sous son disque mobile ouvre un sillon d’azur,

L’œil ne découvre au loin que la montagne blanche

D’où l’orage à grand bruit fait tomber l’avalanche,

La terre inhabitée et le triste sapin

Dont les larges rameaux pendent sur le chemin.

 

Mais quand on a marché quelques heures dans l’ombre,

Au revers du coteau silencieux et sombre,

Soudain on aperçoit la lampe du chalet,

Et la famille est là, la famille au complet :

Enfants, femmes, vieillards, près de la cheminée,

Oubliant les travaux de leur rude journée,

Tous unis l’un à l’autre et satisfaits de peu,

Regardant leur cabane et remerciant Dieu.

 

À l’heure où la nuit sombre enveloppe la terre,

Souvent j’erre au hasard dans le bois solitaire,

Et lorsque j’aperçois au bout de mon sentier

Le paisible chalet et son joyeux foyer,

Je sens que je suis seul sur la terre étrangère,

Et je m’en vais rêvant au foyer de mon père.

 

 

Xavier MARMIER.

 

Recueilli dans Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1843.

 

 

 

 

 

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