Le poète et l’oiseau
Que je plains son destin ! il est captif... sa cage
Est pour lui l’univers : il ne verra jamais
Tout l’éclat d’un ciel bleu, ni l’ombre du bocage,
Les fleurs que le printemps jette sur son passage,
Ni l’arbre immense des forêts.
Il ne s’unira point à la troupe joyeuse
Des siens, que nous voyons s’élever dans les airs,
Et lorsqu’ils chanteront la nature amoureuse,
Il ne mêlera pas sa voix mélodieuse
À leur délicieux concert.
Il connaîtra bientôt sa funeste disgrâce :
Son aile faible encor commence à s’agiter ;
Il rêve ses accords, et chaque jour qui passe
Lui révèle que Dieu le jeta dans l’espace
Pour être libre et pour chanter.
Ô mon triste destin ! je crois te reconnaître
Au destin de l’oiseau que j’aime à révéler.
Esclave comme lui, comme lui, dans mon être,
Je sens que la nature et soupire et fait naître
Des chants qui voudraient s’envoler.
Mais lorsque chaque jour ma poitrine est pressée
Par l’air impur et lourd qui pèse sur mes sens ;
Quand mon âme languit sous son aile glacée,
Et qu’un tourment secret écrase ma pensée,
Ma faible voix n’a plus d’accents...
Théodore LEBRETON.
Recueilli dans Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1843.