Vision
Chaque nuit je la vois à travers mon sommeil,
La triste vision ! Jamais elle ne change :
Un ange, mais non pas joyeux, rose et vermeil,
Comme les chérubins que peignit Michel-Ange.
Perdu dans l’infini, nul regard n’est pareil
À son regard profond ; et, du funèbre archange,
En mon cœur frissonnant, j’entends, même au réveil,
Le murmure plaintif, gémissement étrange...
Ses voiles transparents sont des crêpes de deuil ;
Il est anéanti, couché sur un cercueil,
Et ses traits amaigris expriment la souffrance...
Il croit pourtant, il croit en un monde meilleur ;
Car sa main se cramponne à l’ancre d’espérance :
Ce doux ange attristé se nomme la Douleur !...
Josèphe ÉRIAMEL, Pensées nocturnes, 1896.
Recueilli dans La Sylphide en 1897.