Prière aux aïeux

 

 

POURQUOI mon cœur est-il vibrant comme une antenne ?

    Ô mes aïeux pleins de chansons

Et purs au fond des yeux comme une eau de fontaine ;

    Vous qui dormez sous les moissons,

Avez-vous remué dans la terre profonde,

    Pour que mon cœur soit à l’étroit

Comme si dans mon sein je retenais un monde ?

    Moi, dont l’espérance décroît

Lorsque la race incline aux faiblesses de femmes,

    Pères, quel souffle est donc venu

Qui m’a traversé l’âme et m’a donné trois âmes ?

    Quel dieu me fait marcher, cœur nu

Et l’œil ensoleillé comme une fleur marine ?

    Ô mes aïeux, vient-il de vous

Ce grand rythme d’amour qui bat dans ma poitrine ;

    Et fait trembler mes deux genoux ?

Vous dont la force avait la tendresse des mères,

    Vous n’êtes pas morts, mes aïeux !

Vous avez secoué vos tombeaux éphémères,

    Puis dressant vos cols orgueilleux

Vous revivez en nous, bâtisseurs de ma race !

    Prêtres, laboureurs ou guerriers,

Beaux colons palpitant sous la flèche vorace ;

    Ô sublimes aventuriers,

C’est votre enthousiasme à courir dans les plaines

    Qui fait s’émouvoir nos genoux !

C’est de votre sang pur que nos veines sont pleines,

    C’est votre foi qui prie en nous !

C’est l’inspiration de vos âmes ravies

    Qui fait chanter la race en chœur !

C’est vous qui revivez des milliers de vies

    Dans les battements de son cœur !

 

Non, vous n’êtes pas morts malgré la tombe même,

    Ô vous, mes immortels dieux !

Vous dirigez les pas du peuple qui vous aime,

    Vous mettez votre âme en ses yeux

Pour qu’il marche dans la lumière ! Ô mes ancêtres,

    Vous n’êtes pas qu’un souvenir ;

Mais faisant parmi nous vos missions de prêtres,

    Vous nous poussez vers l’avenir.

Parlez-nous, parlez-nous avec des voix magiques,

    Chers morts qui vivez dans nos cœurs !

Dites-nous donc d’unir nos âmes énergiques

    Dans l’oubli des vieilles rancœurs,

Et tous d’être les fils de la terre chérie,

    Pour que le Canada grandisse un jour

Et devienne à jamais la plus belle patrie

    Et le sol où germe l’amour !

 

 

 

Robert CHOQUETTE, À travers les vents, 1921.

 

 

 

 

 

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