DUNSKI
PRÊTRE ZÉLÉ
ET
ZÉLÉ SERVITEUR DE L’ŒUVRE DE DIEU.
PARIS
TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON
IMPRIMEUR DE L’EMPEREUR
RUE GARANCIÈRE, 8.
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1857
« J’ai juré amour et fidélité au Seigneur et à son Église, je ne cherche que leur triomphe, qui apportera le salut à moi, à mon prochain et à ma patrie……
» J’ai cette conviction profonde que l’homme actuel et les nations ne sortiront pas du chaos et des ténèbres qui les enveloppent sans accepter le secours de Dieu qui se manifeste déjà... Je sens plus que jamais que tous les évènements si graves qui se passent aujourd’hui poussent l’homme à répondre à l’appel de Dieu... Je suis intimement convaincu que le Seigneur donne dans ces jours sa Miséricorde à son Église et aux nations par la force nouvelle...
» Je sais qu’au milieu des difficultés et des obstacles actuels, je ressemble à un homme qui crie dans le désert, mais ma conscience me pousse, je ne puis étouffer sa voix... Je dois rendre gloire à Dieu en faisant voir la vérité telle qu’elle est... Ma conscience m’accuserait devant Dieu si je ne disais pas ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, ce que je sens au fond de mon âme...
» L’Œuvre de Dieu qui se fait dans ces jours est devenue pour Moi une question de conscience, parce que je considère cette Œuvre comme la plus importante qui, depuis la venue du Sauveur dans le monde, ait paru dans la chrétienté. Oui, pour que je renie la Miséricorde de Dieu qui descend dans cette Œuvre sur la terre, pour que je la renie au milieu de tant de preuves palpables pour le sentiment et pour la raison de l’homme, il faut que je renie mon sentiment, ma raison, ma conscience et ma foi..... »
Ces paroles, l’abbé Dunski les a répétées bien des fois dans ses écrits, où il a rendu témoignage à l’Œuvre de Dieu en particulier et publiquement devant ses magistrats, où il a présenté la vérité pour défendre la vérité. Ces paroles, je les place en tête de cet écrit, afin que le lecteur puisse, pour ainsi dire, par ce rayon, connaître, ne fût-ce qu’en partie, le feu chrétien qui brûlait dans l’âme de ce respectable prêtre, – feu dans lequel son amour pour Dieu s’unissait avec son amour pour le prochain, dans lequel sa piété chrétienne et le fruit de cette piété, son sacrifice pour la gloire de Dieu, s’unissaient avec sa vie active privée et publique ; et dans cette vie il pratiquait sa piété, il accomplissait son sacrifice pour le prochain et la patrie, pour leur bien véritable, pour leur liberté chrétienne. – L’homme dans l’âme duquel ce feu brûlait a été outragé par un jugement téméraire, comme si, en mourant, il avait méprisé, rejeté et éteint en lui ce feu ; et il en résulterait cette conclusion chrétienne que, par ce grand péché, il se serait révolté contre la Pensée de Dieu qui repose sur l’homme, contre la Volonté de Dieu, contre le Verbe de Dieu ; car le feu chrétien est une parcelle du Ciel qui vit dans l’homme, parcelle que le Verbe a destiné à l’homme d’accepter et d’allumer ; car ce feu, c’est le Royaume céleste que l’homme est appelé à accepter et à faire croître, comme croît le grain de sénevé auquel, d’après les paroles de notre Seigneur Jésus-Christ, ce Royaume est semblable ; car allumer ce feu était le but de l’amour et des sacrifices du Sauveur du monde : « Je suis venu pour jeter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu’il s’allume ? »
La défense de cet homme contre ce jugement et cet outrage est le but du présent écrit ; et le lecteur trouvera dans ce qui suit de quelle manière on a porté ce jugement et accompli cet outrage.
Le 11 avril 1857, le journal Polonais Wiadomosci polskie, qui paraît à Paris, a publié l’article suivant, dont nous donnons la traduction.
« Le 3 avril 1857, est décédé, à Paris, l’abbé Édouard Dunski. Dimanche, 5 avril, sa dépouille mortelle a été transportée de l’église Saint-Louis en l’Île au cimetière Montmartre.
» Le feu prêtre Édouard Dunski est né à Ciechanow, en 1810. Il fit ses premières études à Pultusk, et entra ensuite au lycée de Varsovie. Au moment où la révolution de novembre 1830 éclata, Édouard Dunski suivait les cours de droit à l’université de Varsovie. Comme presque toute la jeunesse de ce temps, il prit du service dans l’armée nationale, et fit toute la campagne dans le 9e régiment de ligne, où il obtint le grade de sous-lieutenant. Dans les premières années de l’émigration, consacrées presque exclusivement aux tendances politiques et aux préparatifs de nouveaux mouvements insurrectionnels, Édouard Dunski alla (sous le nom de Karski) comme émissaire en Pologne, où il servit la cause de la patrie, comme il la sentait et comprenait alors, avec un grand dévouement et en exposant continuellement sa vie. Mais au courage et au dévouement politiques, le futur prêtre joignait déjà les vertus privées plus profondes d’un chrétien, une vive compassion pour ceux qui souffrent, et une grande promptitude à les soulager suivant son pouvoir. Ceux qui l’ont connu de plus près se rappellent encore avec émotion comment il partageait ses dernières ressources avec les nécessiteux, comment il passait les jours et les nuits au chevet de ses compagnons d’exil malades. – En 1834 ou 1835, il se lia avec Bogdan Janski, qui, le premier dans l’émigration, donna l’impulsion au retour vers la foi religieuse. Ce digne homme parvint par ses soins et son influence à fonder à Paris une maison de refuge et d’aide pour ceux qui sentiraient en eux une vocation pour l’état ecclésiastique. Édouard Dunski fut un des premiers qui habitèrent cette maison. De là, en 1837, il entra au séminaire du collège Stanislas, et l’année suivante il partit pour Rome. Après quatre ans d’études théologiques à Rome, ordonné prêtre en 1842, il revint à Paris, où il remplit avec zèle les devoirs du sacerdoce, d’abord dans l’église paroissiale de Saint-Roch, ensuite dans l’église de Saint-Philippe-du-Roule, et en dernier lieu dans celle de Saint-Merri.
» En 1848, l’abbé Dunski se rapprocha des disciples d’André Towianski, parmi lesquels il comptait beaucoup de ses anciens amis. L’Œuvre qui, au premier moment, avait profondément remué l’Émigration, et qui a eu un grand retentissement dans plusieurs contrées de notre pays, ne pouvait être indifférente à feu Dunski, doué aussi bien d’une vive imagination que d’un patriotisme ardent. Il s’appliqua donc à connaître consciencieusement et à fond ce que Towianski apporte et enseigne. Aussi dès lors devint-il l’adepte et le défenseur de son enseignement. – Il supporta avec une rare résignation chrétienne une cruelle maladie, qui dura près de vingt ans avec de courtes interruptions, se soumettant à la volonté de Dieu, sans jamais perdre la sérénité et la paix intérieure. Par son humilité, sa simplicité, sa bonté et son amour, il gagnait tous les cœurs, et par l’élévation de son esprit, il fortifiait et réchauffait tous ceux qui cherchaient son aide. Non-seulement ses compatriotes, mais aussi les étrangers qui ont eu l’occasion de le connaître de plus près, lui rendent ce témoignage, qu’il a été un homme plein de zèle pour le service de Dieu, et toujours prompt à porter secours au prochain. »
Le journal l’Univers du 28 avril 1857 a publié l’article suivant :
« M. l’abbé Gabriel, curé de la paroisse de Saint-Merri, a célébré le 24 avril, un service funèbre pour M. l’abbé Édouard Dunski, prêtre polonais, attaché à sa paroisse, décédé le 3 avril. Un grand nombre de Polonais émigrés et de Français, qui avaient connu ce digne prêtre, assistaient à cette touchante cérémonie. À la fin du service, M. l’abbé Gabriel a adressé aux assistants les paroles suivantes, qui ont été recueillies de souvenir et aussi exactement que possible :
» Au milieu de la douleur qui nous réunit, et que j’éprouve moi-même au souvenir de ce prêtre vénéré qui a vécu au milieu de nous, je dois vous dire la joie que j’ai ressentie à l’autel : je crois que, par les pouvoirs que j’ai reçus de Dieu, son âme, arrosée du sang de Jésus-Christ, a été introduite, si elle n’y était déjà, dans la gloire éternelle qui lui était réservée.
» Il est bien digne de nos regrets, ce prêtre que nous avons connu et aimé ; sa vie et ses vertus furent éminemment sacerdotales.
» Il a beaucoup souffert dans son âme et dans son corps : dans son âme, je le sais, car j’ai reçu la confidence de ses souffrances ; dans son corps, nous le savons tous. Il a beaucoup souffert, mais nous ne devons ni nous en étonner, ni le plaindre ; quand on a un esprit aussi pur et un cœur aussi haut placé, il est impossible de ne pas souffrir. La souffrance est le privilège de ceux que Dieu aime, le sacrifice est le sceptre des grandes âmes. J’ai lu dans les livres saints que lorsque les Apôtres souffraient pour Jésus-Christ, ils sortaient des mains de leurs persécuteurs en chantant et en glorifiant Dieu, parce qu’ils avaient été trouvés dignes de souffrir pour Jésus-Christ. Ne croyez pas, mes amis, qu’il soit donné à tous de souffrir pour Dieu ; ne souffre pas ainsi qui veut, mais qui le mérite ; le méchant ne souffre jamais pour Dieu ni pour la gloire de Dieu. Les amis de Jésus-Christ sont seuls admis à partager sa couronne d’épines et sa croix ; ils sont heureux de souffrir pour Jésus-Christ ; par la souffrance et le sacrifice ils s’unissent à Jésus-Christ, ils mêlent leurs souffrances avec celles de Jésus-Christ, ils se couchent sur la croix de Jésus-Christ. Hors de la souffrance, les plus grands sentiments s’abaissent, les plus grandes âmes s’abâtardissent.
» Il a souffert pour la religion, ce digne prêtre, nous le savons, nous qui l’avons vu à l’autel, qui nous inspirions de lui, qui connaissions ses pensées les plus intimes, nous qu’il a enveloppés du souffle de ses vertus sacerdotales.
» Il a souffert pour la patrie, il a désiré la patrie ; mais il ne l’a cherchée qu’en Dieu, il n’a jamais tourné son esprit vers le vent des opinions ; toujours il a reposé son cœur dans la providence de Dieu. Il croyait que jamais un bras de chair ne relèverait votre patrie, il croyait que dans la résurrection de la Pologne l’homme ne sera pour rien, que la Pologne ne se relèvera que sous le souffle de Dieu. Et il avait raison de le croire ; la Pologne ne sera rendue qu’à la vraie religion, à l’amour et au sacrifice. J’ai connu beaucoup de Polonais, je les aime de tout mon cœur, je sais qu’il y a au fond de votre nation une spontanéité, quelque chose de grand ; ne laissez pas abâtardir ce que Dieu a mis de grand dans vos âmes ; portez la tête haute, et élevez votre cœur plus haut que la tête. Montrez à la France ce que c’est qu’une nation catholique ; montrez-lui l’exemple des vertus chrétiennes, elle en a bien besoin ; montrez ce que c’est que d’être exilé pour une idée, exilé pour la religion et la patrie.
» Conservez le souvenir de ce prêtre aimé que vous avez entouré de vos soins, de votre sollicitude fraternelle. Exilé, loin de sa patrie, quand il vous voyait tous autour de lui, il se croyait dans sa patrie, et au milieu des souffrances, en vous regardant tous, il est mort avec joie, espérant être plus utile à ses concitoyens et à notre chère Pologne. Comme lui, ne craignez pas de souffrir, portez courageusement la couronne d’épines qui est sur votre front. Rappelez-vous les dernières paroles de ce prêtre bien-aimé : « La Religion est tout pour moi ; l’Église catholique, apostolique et romaine est ma mère ; tout ce que je désire, c’est de prier pour le triomphe de l’Église et pour le triomphe de ma patrie. » Et il est certain qu’aujourd’hui, devant Dieu, il travaille et il prie pour le triomphe de sa patrie, car il est resté fidèle à Jésus-Christ, et si tous ceux que le vent de l’exil a portés ici avaient fait de même, vous seriez déjà dans la patrie.
» Et maintenant allez jeter de l’eau bénite sur sa dépouille ; quoiqu’elle ne soit pas ici, la foi portera ces gouttes là où reposent ses restes, et son esprit, qui aujourd’hui est devant Dieu, dans des joies que nous ne pouvons rendre, car elles sont infinies, vous donnera des consolations et des joies si vous imitez sa foi et ses vertus. »
Le même journal, dans son numéro du 1er mai 1857, a publié les trois lettres suivantes :
« Monsieur le rédacteur,
» Nous prenons la liberté de vous prier de vouloir bien donner place dans votre estimable journal aux deux lettres ci-jointes, adressées par M. l’abbé Cellier, vicaire de Saint-Merri, à M. l’abbé Buquet, et qui nous ont été communiquées à cette fin par M. l’archidiacre lui-même, notre plus ancien et plus constant protecteur. Elles sont d’une grande importance pour le bien de la religion, et ne peuvent qu’honorer la mémoire de M. l’abbé Édouard Dunski, notre ancien confrère, dont votre journal vient de publier l’éloge si bien mérité et si vivement exprimé par M. le curé de Saint-Merri, notre digne et fidèle ami.
» Veuillez agréer, etc.
» Alexandre JELOWICKI, prêtre.
» Ce 39 avril 1857. »
« Monsieur l’Archidiacre,
» Je viens remplir auprès de vous un engagement que j’ai contracté en recueillant le dernier soupir de M. l’abbé Dunski, décédé hier soir, à six heures.
» Cet excellent prêtre, qui pendant son agonie (quoique des plus douloureuses) a toujours eu l’usage de son esprit et toute sa liberté de cœur, m’a chargé de vous exprimer sa reconnaissance. Ses paroles, que j’ai littéralement retenues, vous feront mieux connaître ses sentiments.
« Je n’attends que la mort, et je l’attends avec bonheur, quand j’aurai rendu le dernier soupir, je vous conjure de dire à M. Buquet que je n’ai perdu le souvenir d’aucune de ses bontés pour moi, et la reconnaissance que j’ai toujours eue pour lui, je l’emporte dans une vie meilleure.
» S’il pouvait avoir eu, ou s’il lui restait encore quelques alarmes sur la pureté de ma foi, attestez auprès de lui, et dites-lui d’attester auprès de ceux qui m’ont connu, que je ne reconnais qu’une seule Église, celle de Jésus-Christ, sainte, catholique, apostolique, romaine, gouvernée par notre Saint-Père le Pape, avec toute sa hiérarchie de légitimes pasteurs ; que je crois tout ce qu’elle croit, et rien que ce qu’elle croit et enseigne. Ce que je puis avoir pensé ou dit, comme venant de moi, je le regarde comme néant, et, en ce moment où je vais paraître devant mon Dieu et devant mon Juge, je le foule aux pieds. »
» Voilà, Monsieur l’Archidiacre, la manifestation textuelle de la foi et des sentiments de M. l’abbé Dunski ; au reste, une si belle âme, qui pendant une longue et cruelle maladie ne s’est pas démentie un seul instant, qui a conservé une charité vive et ardente, une douceur inaltérable, une patience héroïque, qui a puisé tous ces sentiments dans la réception fréquente de la communion, ne pouvait laisser planer le moindre nuage sur la sincérité de sa foi.
» Veuillez agréer, etc.
» L’abbé CELLIER, Vicaire.
» Paris, ce 4 avril 1857. »
« Monsieur l’Archidiacre,
» Nous avons célébré aujourd’hui à Saint-Merri un service funèbre pour le repos de l’âme de M. Dunski. Après la cérémonie, on est venu me dire que certaines personnes se plaisaient à représenter ce bon prêtre comme un défenseur ou un adepte des erreurs d’André Towianski ; on serait allé même jusqu’à produire cette assertion dans un journal en langue polonaise, qui paraît à Paris.
» Vous avez entre les mains, Monsieur l’Archidiacre, la déclaration que M. l’abbé Dunski m’a faite spontanément au lit de mort, insistant itérativement pour que je la portasse à votre connaissance.
» Je dois maintenant à la vérité, à l’Église, à mes supérieurs et à la mémoire de M. Dunski, d’attester ici que cette déclaration a été faite par lui pour témoigner qu’il n’avait jamais accepté la doctrine d’André Towianski, ou que, s’il pouvait avoir pensé ou dit quelque chose qui pût la favoriser, il le regrettait et le rétractait sincèrement. C’est en ce sens qu’il faut entendre la dernière phrase de sa profession de foi, et cela d’après plusieurs conversations où il m’avait parlé avec des termes de réprobation des doctrines de Towianski et de ses adhérents.
» Je vous prie d’agréer, etc.
» L’abbé CELLIER, Vicaire.
» Paris, 24 avril 1857.
» Pour copie conforme : A. JELOWICKI, prêtre. »
Après avoir lu les lettres ci-dessus, j’ai écrit à M. le rédacteur de l’Univers la lettre suivante, qui a été insérée dans ce journal le 7 mai 1857 :
« Monsieur le Rédacteur,
» Vous avez publié le 1er mai dans votre journal, sur la demande de M. l’abbé Jelowicki, deux lettres de M. l’abbé Cellier, concernant les derniers moments du prêtre polonais Édouard Dunski. Depuis plusieurs années, ce digne prêtre était mon confesseur, m’honorait du nom de son ami, de son frère en Jésus-Christ, et j’ai été chargé par lui d’être l’exécuteur de ses dernières volontés ; à tous ces titres qui obligent ma conscience, je regarde comme un devoir de m’adresser à votre conscience, en vous priant de vouloir bien insérer dans vos colonnes ce qui suit :
» La profession de foi catholique du vénérable Édouard Dunski, contenue dans la première lettre de M. Cellier (4 avril), nous la reconnaissons comme la nôtre, et nous espérons en Dieu que, comme lui, nous y serons fidèles jusqu’à la mort. Par cette profession de foi, l’abbé Dunski ne s’est donc pas séparé d’André Towianski, qu’il reconnaissait depuis dix ans et qu’il a reconnu jusqu’au dernier soupir, comme le serviteur de Jésus-Christ. Je me borne, pour le moment, à raconter quelques faits.
» Le 1er février 1857, en envoyant en mon nom et au nom d’une partie de l’émigration polonaise, à notre Saint-Père le Pape, comme à notre suprême autorité sur la terre, un acte accompli par nous dans le champ de nos devoirs publics, j’ai témoigné devant Sa Sainteté des services chrétiens que nous rend depuis seize ans André Towianski. Au bas de cet écrit, l’abbé Édouard Dunski a ajouté les paroles suivantes :
« Pendant dix ans, j’ai servi, avec la bénédiction de Dieu, son Œuvre sainte. Aujourd’hui que, sur mon lit de mort, je ne compte plus ma vie que par heures, je sens que c’est le devoir de ma conscience de signer cet acte de sincérité et d’épanchement envers Votre Sainteté, comme envers l’Autorité suprême dans l’Église de Jésus-Christ, et en même temps, de baiser avant de mourir, vos pieds, très Saint-Père.
» Édouard DUNSKI, prêtre. »
» Le 8 février, il a écrit de sa main ses dernières volontés, en six articles : il a laissé à ma disposition tous ses papiers, tous ses livres, pour l’utilité de ceux que, dans son amour chrétien, il appelait ses frères ; il m’a chargé de détruire les lettres concernant des tiers, et de conserver celles qui pourraient être utiles au prochain ou à la gloire de Dieu.
» Le 2 avril avant midi, il a reçu des mains de M. l’abbé Cellier les derniers sacrements. Le même jour, de trois à quatre heures de l’après-midi, lui a été remise une coupe en argent portant l’inscription suivante : « Al Padre Edoardo Dunski pei servizi ricevuli nell’Opera di Dio, a fratelli italiani riconoscenti. » (Au Père Édouard Dunski, pour les services reçus dans l’Œuvre de Dieu, les frères italiens reconnaissants.) Il a dit : « Remerciez de ma part les frères italiens pour leur sentiment, leur amour ; si j’ai pu leur rendre quelques services, j’ai été l’instrument de la Grâce, mais dites-leur qu’ils prient pour moi. Je ne crois pas pouvoir prolonger mes jours sur la terre ; je vous prie donc de remettre de vos propres mains cette coupe à notre frère Charles, pour qu’il la remette au Maître, afin qu’il en dispose suivant sa volonté pour l’Œuvre de Dieu. » Dans ce moment, je suis entré, et l’abbé Dunski a prié qu’on versât dans cette coupe un peu d’eau et de vin, et en se tournant vers moi, il a dit : « Buvons à cette coupe pour que notre union fraternelle chrétienne formée dans le service de l’Œuvre sainte qui se fait pour le triomphe de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la terre, et de là pour le salut de notre patrie et pour notre salut, dure éternellement. Que la Miséricorde de Dieu protège les jours et la santé du fidèle Serviteur de Jésus-Christ ! À ta prospérité, frère, à celle de tous les frères présents et absents, serviteurs de l’Œuvre sainte. Je te prie, frère Charles, de remettre cette coupe à l’Homme de Dieu, en souvenir de tant de grâces divines qui, par lui, ont découlé sur moi indigne. »
» Jusqu’au dernier moment, nous sommes restés près de lui, et nous avons reçu son dernier soupir. Le 3 avril, à six heures dix minutes, il rendait son âme à Dieu avec une sérénité angélique.
» Daignez agréer, etc.
» Charles ROZYCKI, colonel.
» Paris, le 2 mai 1857. »
À la suite de cette lettre, la rédaction de l’Univers a ajouté ces paroles :
« Avant de publier la lettre qui précède, nous avons dû en donner connaissance à M. l’abbé Cellier, qui nous adresse la réponse suivante :
« M. le Rédacteur,
» Quand j’ai écrit mes deux lettres à M. l’Archidiacre Buquet, ç’a été pour remplir les intentions spontanées et expresses de M. l’abbé Dunski ; je ne pensais nullement qu’elles devinssent publiques ; je ne me plains pas de la publicité que leur a donnée votre excellente feuille 1, puisqu’elle me fournit l’occasion de défendre la mémoire de ce bon prêtre contre des allégations dont d’imprudents amis n’ont pas certainement calculé toute la portée, puisque leur résultat immédiat serait de faire passer le pauvre défunt pour un homme jouant odieusement double jeu sur le bord de la tombe.
» Que M. Rozycki ait été le pénitent, l’ami, l’exécuteur testamentaire de M. Dunski, cela l’honore ; mais moi, directeur de sa conscience depuis plusieurs années, j’ai été chargé en cette qualité de transmettre l’expression de sa foi à l’autorité qui a droit d’en connaître. C’est un devoir que j’ai rempli en âme et conscience, et tous les titres de M. Rozycki n’ont aucune valeur pour en infirmer la sincérité.
» Si l’on veut faire dire au post-scriptum et à la coupe dont parle M. Rozycki dans sa lettre, que M. Dunski a regardé André Towianski comme enseignant ou autre chose ou mieux que l’Église, sa profession de foi est là pour anathématiser cette hérésie. Si André Towianski a, vis-à-vis de M. Dunski, comme vis-à-vis d’autres âmes droites et sincères, professé la foi orthodoxe, M. Dunski, qui ne voulait être que catholique, l’a approuvé : si, dans d’autres circonstances, il a clandestinement semé l’erreur, et que lui ou ses adeptes veuillent se couvrir du nom d’un bon prêtre, l’âme de M. Dunski, de son éternité, leur crie anathème comme il le leur a dit pendant sa vie.
» Agréez, etc.
» L’abbé CELLIER, vicaire.
» Paris, ce 5 mai 1857. »
Voyant que ma réponse ci-dessus aux imputations faites à l’abbé Dunski n’est pas suffisante, je sens qu’il est de mon devoir de la compléter. Défendre la vérité outragée d’une manière si blessante dans la personne de ce prêtre, c’est mon devoir envers Dieu, qui est la Vérité suprême ; c’est mon devoir envers le prochain, afin qu’il ne soit pas atteint par le faux et tenté par le faux ; c’est particulièrement mon devoir envers le défunt prêtre qui, dans son amour augmenté aujourd’hui, attend cette aide de moi qui fus son pénitent, de moi son frère en Jésus-Christ et son compagnon dans le même service pour Jésus-Christ, qui suis par conséquent uni à lui, non-seulement pour cette vie, mais aussi pour les siècles futurs ; il a besoin de cette aide, afin que ce qu’il a fait dans son service pour Dieu et le prochain ne soit pas renversé, afin que sa mémoire, souillée par la publicité donnée à son prétendu reniement de la chose de Dieu, ne puisse servir à justifier et à calmer la conscience de ceux qui voudraient rejeter la chose de Dieu, à laquelle il se dévouait avec tant de zèle, qu’il élevait par de si grands sacrifices. Je crois que j’accomplirai ce devoir et que j’atteindrai mon but par le chemin le plus court en publiant, au moins en partie, les actes de ce prêtre, ses sacrifices accomplis pour l’Œuvre de Dieu, sa tendance dans cette direction pendant dix années, non interrompue jusqu’à sa mort. Ces actes, ces sacrifices, on les voit dans les écrits de lui que j’ai trouvés après sa mort, dans des copies faites de sa propre main ou revues et corrigées par lui ; de ces écrits, je ne publie pour le moment que quelques-uns de ceux qu’il a fait connaître lui-même, qu’il a communiqués à plusieurs personnes ; et ayant uniquement en vue de montrer la vérité, pour défendre par la vérité même la vérité outragée, je ne cite pas les noms des personnes, car l’abbé Dunski, comme prêtre zélé, a adressé à quelques-unes d’entre elles des réclamations et des reproches pour l’offense qu’elles faisaient à Jésus-Christ, pour l’outrage qu’elles faisaient à l’Église de Jésus-Christ.
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I
TÉMOIGNAGES SUR L’ŒUVRE DE DIEU
DÉPOSÉS PAR L’ABBÉ DUNSKI
À L’ARCHEVÊCHÉ DE PARIS.
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1. – À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1849, le 5 juillet. Montpellier.
Monsieur le grand Vicaire,
Je viens d’apprendre par mes confrères de Paris que l’affaire de M. Towianski est portée de nouveau devant Sa Grandeur Monseigneur l’Archevêque de Paris, et que ses écrits, c’est-à-dire celui intitulé le Banquet (Biesiada) est confié par Monseigneur à M. l’abbé *** pour être réfuté.
Par amour pour Notre Seigneur Jésus-Christ, pour son Église et pour toute vérité, je dois vous faire parvenir les renseignements suivants concernant cette affaire qui a été envisagée et traitée jusqu’à ce moment par mes compatriotes avec un peu de précipitation et même de légèreté. J’ai suivi exactement tous les mouvements de M. Towianski depuis son arrivée, et j’ai cherché avec conscience à être bien renseigné sur tous les faits qui ont eu lieu jusqu’à ce moment. Je suis donc sûr, autant qu’on peut l’être humainement, de tout ce que j’aurai à dire dans cet écrit, d’autant plus que j’ai eu dernièrement plusieurs conférences avec M. Towianski, et j’ai eu l’occasion d’être renseigné par lui-même sur toutes les difficultés que sa mission extraordinaire a rencontrées jusqu’aujourd’hui.
Les notes le Banquet (Biesiada) ne peuvent, d’après mon opinion, être la base d’un jugement. En voici les raisons : le Banquet a été écrit à la hâte comme une note de plusieurs conférences que M. Towianski a eues avec M. ***, note uniquement écrite dans le but de conserver un souvenir de ces conférences. Cet écrit contient plusieurs sujets sans les développer, il n’a pu être ni revu ni corrigé par l’auteur ; son intention n’a jamais été de lui donner de la publicité. Cette note est tombée entre les mains de l’abbé ***, à Paris, qui l’a rendue publique par un fac-simile autographié. Je vois qu’on a commis envers l’auteur un abus que la charité chrétienne et la justice humaine défendent toujours, et aujourd’hui encore on base uniquement sur cet écrit le jugement sur M. Towianski.
Quant à la personne de M. Towianski, ici j’ai à rendre un témoignage qui vous étonnera peut-être, Monsieur le grand Vicaire. Je n’ai jamais rencontré un homme parlant de la manière et dans le ton que parle cet homme. Quel amour de Dieu, de Jésus-Christ et de toutes vérités ! Toute sa lumière, qui est immense, repose dans cette unité : « accomplir la volonté de Dieu par les sacrifices de Notre Seigneur Jésus-Christ ». Tout ce qu’il dit y conduit directement. C’est l’homme le plus libre des hommes, qui, rendant à chacun ce qui lui est dû, conserve la vraie dignité du chrétien. C’est l’homme qui frappe par son savoir des choses de Dieu, déposées dans le trésor inépuisable de l’Église, qui étonne par ses sacrifices continuels, en conservant toujours et partout son ton, sa dignité chrétienne. C’est le religieux le plus parfait, vivant au milieu de la famille et de la société, prêchant partout par ses actes et ses paroles l’amour de Dieu et du prochain. Il réunit tant de caractères de la vérité en lui, il porte une telle empreinte de l’esprit de Dieu en lui, qu’on y sent, qu’on y voit les desseins particuliers de la Miséricorde de Dieu. Je crois, monsieur le grand Vicaire, qu’il est l’homme unique (et j’en porte dans ma personne le témoignage) qui peut donner une idée claire, pratique, vivante à chaque homme, à chaque état, à chaque condition de l’homme, à chaque nation même. Après chaque conférence, je sortais de chez lui avec un nouveau désir de me rendre meilleur, de rentrer dans le sentiment de mes devoirs comme chrétien, comme prêtre. C’est un résultat principal de mes conférences avec lui. Le Seigneur miséricordieux fera voir le reste avec le temps. Et c’est pourquoi j’ose désirer ardemment, dans mon âme et ma conscience, que cet homme extraordinaire obtienne la Bénédiction du Saint-Siège qu’il cherche depuis longtemps 2.
Je vois clairement de quelle manière coupable on a abusé souvent de ses paroles et de sa mission. Il est donc de l’intérêt de la justice de distinguer M. Towianski de ceux d’entre ses disciples qui, n’étant pas avec lui en union fraternelle en Jésus-Christ, abusent des lumières qu’ils ont reçues de lui sans les comprendre, et ne s’en servent que dans un esprit tout à fait contraire, comme par exemple M.***, malgré l’attachement et l’estime qu’il porte pour la personne de M. Towianski.
C’est tout ce que j’ai à dire pour le moment dans cette affaire importante. Vous en ferez l’usage que vous croirez le plus utile dans votre charité et dans votre prudence. Recevez, monsieur le grand Vicaire, mes respects les plus humbles et mon amour filial, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
P. S. Ma santé affaiblie et toujours incertaine me retient dans le midi de la France. Je crois passer l’hiver prochain dans ce pays, d’après les conseils de mes médecins. Veuillez bien me recommander au Seigneur dans vos prières.
2. – NOTE REMISE À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1849, le 9 novembre. Paris.
Je me tiens au témoignage que j’ai rendu dans ma lettre du 5 juillet dernier.
S’il y a quelque chose de blâmable dans mon écrit ou dans ma conduite, je me rétracte sur-le-champ.
1° Je me soumets à l’Église et à toute autorité émanant d’elle, selon l’esprit que l’Église demande des fidèles. Mais je n’ai aucun devoir de me soumettre contre ma conscience à l’’opinion, au jugement de mes confrères, qui, malheureusement, depuis l’arrivée de M. Towianski à Paris, ont porté contre lui leur jugement sans connaître ce qu’il apporte.
2° D’après ce qu’on m’a annoncé dernièrement, M. ***, un des plus braves soldats, homme qui jouit de la réputation la plus parfaite et la plus unanime, et un parfait chrétien, selon ma conscience, qui a été, avec M. Towianski depuis le commencement, prépare un témoignage qu’il doit présenter à Monseigneur l’Archevêque de Paris. S’il y avait la nécessité d’ajouter de ma part quelques renseignements, je suis tout disposé à faire mon devoir et à accomplir mon service. Je ne demande et ne cherche autre chose qu’à rendre gloire à Dieu, en faisant voir la vérité telle qu’elle est ; et je ferai tout mon possible pour ne pas m’écarter, dans ma position, de la voie de la vérité.
3° Je me suis approché de M. Towianski et de ses disciples, pour leur faciliter les moyens d’être connus de l’Église ; j’espère dans le Seigneur que je persévérerai jusqu’à la fin dans l’amour et la fidélité que j’ai jurés au Seigneur et à son Église. Je ne cherche que leur triomphe !
4° Mais j’ajoute que je suis intimement convaincu que le Seigneur donne sa miséricorde à son Église sur la terre et aux nations par la force nouvelle que cet homme extraordinaire porte en lui. Voyez-le, monsieur le grand Vicaire, et jugez par vous-même si je dis la vérité.
Je n’ai rien au monde qu’à sauver mon âme, qu’à rendre gloire au Seigneur ; mais ma conscience m’accuserait devant Dieu, si je ne disais pas ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu, ce que je sens au fond de mon âme. La tranquillité de ma conscience et la certitude que j’ai que l’Église triomphera bientôt de ses ennemis, ajoutent pour moi un grand témoignage en faveur de la mission de M. Towianski. J’espère que le temps et des évènements peu éloignés justifieront mes paroles.
Je dis librement ma pensée, je découvre ma conscience, car je parle à mon autorité compétente, dans laquelle j’ai pleine confiance.
Édouard DUNSKI, prêtre.
3. – À MONSEIGNEUR L’ARCHEVÊQUE DE PARIS.
1850, le 8 décembre. Zurich.
Monseigneur,
Je m’adresse à Votre Grandeur, dans un sentiment de confiance filiale, comme à mon père, dans le sentiment de la soumission due en Jésus-Christ, comme à une autorité qui est pour moi la première, légitime, compétente. Je m’adresse à vous dans l’intérêt d’une cause persécutée, dans l’intérêt de l’Œuvre qu’André Towianski fait et présente. Cette Œuvre est devenue pour moi une question de conscience, parce que je considère cette Œuvre comme la plus importante qui, depuis la venue du Sauveur dans le monde, ait paru dans la chrétienté ; parce que je ne la sépare pas, dans ma conscience, de la cause de l’Église, de la cause de mon salut ; et je crois, devant Dieu, qu’elle deviendra également importante pour chacun, dans le temps où l’homme commencera à reconnaître la vérité de Dieu, à la voir dans la lumière chrétienne, lumière du Ciel, et non dans la lumière de la terre, non d’après sa volonté et son jugement. Cette Œuvre, c’est ainsi que me la font voir la crainte de Dieu, le zèle qui me fait chercher le triomphe de Jésus-Christ et de son Église, et l’amour qui désire ardemment l’accomplissement de la volonté de Dieu, mon propre salut et le salut de mon prochain.
J’avoue, dans l’humilité et dans la douleur chrétiennes, que pendant quelque temps j’ai été un des adversaires de cette Œuvre, ne la connaissant pas, lorsque, à mon arrivée de Rome à Paris en 1842, dans mon zèle pour la foi, zèle d’un prêtre nouveau, m’étant trouvé en face d’un évènement aussi extraordinaire, m’étant trouvé au milieu des opinions contradictoires, sans prendre le sacrifice et l’énergie chrétienne nécessaires pour connaître la chose dans sa réalité, je me suis appuyé plutôt sur des relations inexactes, et je jugeais plutôt d’après la lettre et la doctrine que d’après l’esprit de l’Église. C’est ainsi que j’ai affaibli alors en moi le premier sentiment qui s’était éveillé dans mon âme, et dans les âmes de mes confrères, à la première nouvelle que nous avions reçue à Rome que Dieu envoyait sa Miséricorde pour l’homme ; j’ai affaibli, dis-je, ce sentiment que Dieu peut faire sa Miséricorde par un organe quelconque qu’il Lui a plu de choisir ; que la position actuelle de toute la Chrétienté et de notre Nation est si difficile que, sans le secours immédiat du Ciel, il est impossible d’en sortir par les seules forces humaines et par les moyens connus jusqu’ici à l’homme. Ce sentiment chrétien s’est manifesté momentanément dans l’esprit de plusieurs, mais l’homme n’a pas conservé le sentiment de son esprit, parce que, ne réalisant pas son esprit, ne vivant pas dans la liberté et dans la vérité chrétiennes d’esprit, l’homme ne croit plus, dans sa vie pratique, à l’intervention du Ciel dans le gouvernement de ce monde.
Cependant, comme la voix de ma conscience longtemps étouffée ne cessait pas de se faire entendre et d’inquiéter mon âme, comme beaucoup de signes intérieurs et extérieurs continuaient à m’éveiller, je me suis approché, au mois de juin 1849, de la personne d’André Towianski. Au milieu de ce chaos d’opinions incertaines, dans ma liberté chrétienne et sans jugement arrêté d’avance, j’ai voulu me faire une idée plus exacte et plus claire de ce qu’il transmet ; j’ai voulu connaître le service qu’il déclare devoir rendre à l’homme par la volonté de Dieu, et accepter ce service, autant qu’il se trouverait réellement fait par la volonté de Dieu pour étendre le Royaume, pour élever l’Église de Jésus-Christ, pour coopérer au salut, au progrès de l’homme. Ainsi, je voulus accomplir le devoir du chrétien, qui est appelé à veiller sans cesse à tout appel que Jésus-Christ, gouvernant le monde jusqu’à la fin du monde, fait à l’homme, en s’adressant, soit directement à son esprit, soit par les organes qu’il ne cesse de destiner, selon que Jésus-Christ lui-même a dit : « Cet homme est un instrument que j’ai choisi pour porter mon nom devant les Gentils, devant les rois et devant les enfants d’Israël... Je vous déclare que si ceux-ci se taisent, les pierres mêmes crieront. »
Ce que je vis, ce que j’éprouvai sur moi-même, j’en ai déposé le témoignage dans la lettre adressée à M. le Vicaire général, et dans la note que j’ai remise plus tard entre ses mains. En outre, toutes les fois que l’occasion s’en est présentée, j’ai déposé mon témoignage personnellement, de vive voix, devant mes magistrats.
Dans le courant de cette année, poussé également par la voix de ma conscience, je me suis approché pour la deuxième fois de la personne d’André Towianski, pour voir de plus près sa vie et ses actions, pour recevoir des éclaircissements qui m’étaient nécessaires, pour compléter le travail que j’avais entrepris d’approfondir cette question si étendue et si grave. Ayant accompli avec l’aide de Dieu mon devoir, je dépose aux pieds de Votre Grandeur mon témoignage actuel, quoiqu’il soit incomplet, quoiqu’il n’exprime pas, dans toute la plénitude, ce que je vois et ce que je sens. Je le fais parce que l’état de ma santé, qui va en s’affaiblissant, me fait penser à ma dernière heure qui approche et me fait craindre de me présenter devant le tribunal de Dieu avec mes comptes chargés pour avoir manqué à mon devoir, pour avoir retenu le témoignage que je devais à la vérité. Cependant je ne cesse pas d’implorer la Miséricorde divine pour qu’elle daigne prolonger mes jours, afin que je puisse compléter de vive voix mon témoignage actuel et réaliser par mes actions ce que je sens au fond de mon âme.
Dans ce second rapprochement, par la connaissance plus intime que j’acquiers de la personne d’André Towianski et de l’Œuvre qu’il fait et qu’il transmet, je me convaincs chaque jour plus clairement de la Miséricorde de Dieu qui, par cet organe, découle de nos jours pour l’homme.
J’ai entendu les plus hautes vérités concernant l’esprit de l’homme et tous les rapports qu’embrasse la vie de l’homme sur ses routes privées et publiques ; j’ai entendu ces vérités exposées dans un amour, une clarté et une simplicité qu’il est difficile de trouver de nos jours au milieu du chaos où la raison humaine analyse tout froidement ; j’ai entendu un ton qu’il est difficile d’entendre sur la terre, ton soutenu par le sacrifice, qui rappelle le plus le ton du Sauveur conservé dans l’Évangile. Le Serviteur de Jésus-Christ m’a rappelé toutes les vérités religieuses en les ramenant à cette unité chrétienne, à ce seul but chrétien : la gloire de Dieu et le progrès chrétien de l’homme. Il m’a éclairci la pensée de Dieu qui repose sur l’homme, que Jésus-Christ a accomplie et a transmise à l’homme pour qu’il l’accomplisse dans les siècles jusqu’à la fin du monde ; il m’a éclairci la pensée de Dieu qui repose sur la création tout entière. Les paroles de saint Paul me sont devenues claires : « Jusqu’à ce que nous parvenions tous… à l’état d’un homme parfait, à la mesure de l’âge de la plénitude de Jésus-Christ... Les créatures... sont assujetties à la vanité... avec espérance d’être délivrées aussi elles-mêmes de cet asservissement à la corruption, pour participer à la glorieuse liberté des enfants de Dieu. »
J’ai vu la sagesse qui résout les plus hautes vérités religieuses et les unit aux vérités les plus pratiques de la vie privée et publique ; et pourtant cet homme n’a pas étudié dans les livres : dès sa jeunesse il a été appelé et poussé à la vie intérieure, à manifester son propre esprit, à chercher uniquement dans la lumière divine la solution de toutes les questions, de toutes les difficultés de la vie de l’homme. J’ai vu le sacrifice qu’il soutient, sacrifice auquel il appelle l’homme et par la puissance duquel il unit et applique le Verbe de Dieu à la vie privée et publique. Nouveau Moïse, unissant la loi religieuse avec la loi politique, il embrasse la vie de l’homme tout entière, et la soumet à l’unique loi du Verbe de Dieu ; il introduit l’unité et l’harmonie dans la vie de l’homme ; il enseigne ce sacrifice par sa parole, par ses actions, par sa vie tout entière.
Le but principal de sa mission, c’est de rappeler et de montrer l’essence de la loi de Jésus-Christ, le sacrifice vrai, actif, vivant, se réalisant, qui établit la vie et le règne du Verbe de Dieu sur la terre, sacrifice par lequel l’homme, dans la partie qui lui est destinée, devient l’organe du Saint-Esprit, et le Saint-Esprit qui touche l’homme, vit par l’homme. Tandis que pendant des siècles, l’homme, à cause du rejet du sacrifice chrétien, méditait et n’accomplissait pas le Verbe de Dieu, séparait l’unité du Verbe de Dieu, unité de l’esprit et de la vie de l’homme, cette unité est aujourd’hui ordonnée à l’homme ; et ce Serviteur de Jésus-Christ est appelé à éclaircir et à faciliter à l’homme par son exemple l’accomplissement de cette volonté de Dieu. J’avoue, Monseigneur, à Votre Grandeur que, ma vie durant, je n’ai rencontré dans aucun homme, je n’ai lu dans aucun livre rien qui m’ait présenté une idée aussi haute et aussi grande du sacrifice de Jésus-Christ que celle que présente André Towianski. Ayant reçu cette lumière, l’homme voit sa bassesse, voit la distance qui le sépare du sacrifice de Jésus-Christ ; il voit le sacrifice qu’il accomplissait jusqu’à présent, et celui qu’il lui reste à accomplir ; il voit l’amour de Jésus-Christ, il voit ce que Jésus-Christ a fait pour l’homme, pour tous les siècles, il voit que, par l’amour et le sacrifice de Jésus-Christ, il est mis en compte devant Dieu, qu’il ne s’échappera point de la voie que le Verbe de Dieu lui a tracée, que le ciel et la terre passent et que le Verbe de Dieu dure éternellement.
À ce sacrifice soutenu est aussi attachée la suprême et vraie science des choses du Ciel et de la terre. Cet exemple vivant réalise la pensée de Dieu, rappelle et démontre à l’homme actuel, qui cherche la sagesse dans l’intelligence seule, que la véritable sagesse, la Sagesse divine, n’est accordée qu’au sacrifice chrétien, qu’à la sainteté de la vie. Je n’ai aucun doute que dans ce sacrifice, le Serviteur de Jésus-Christ porte la lumière et la force nécessaires pour accomplir sa mission, pour servir l’homme dans chaque position où il se trouve, pour servir tous les magistrats de l’homme. C’est à cause de ce sacrifice que l’homme ne cesse de rejeter que ce serviteur de Jésus-Christ trouve tant d’adversaires et d’ennemis, quoiqu’il n’ait fait aucun tort à personne sur la terre. Ici s’offre la douloureuse pensée qu’aujourd’hui l’homme agit comme il a agi dans le commencement de son salut, lorsqu’il a repoussé son Sauveur uniquement parce qu’Il l’appelait au sacrifice qui lui devait ouvrir le Ciel et la vie éternelle, qui lui devait faciliter cette vie temporelle en le déchargeant de la lourde croix de la terre. Je vois chaque jour plus clairement, depuis que je me suis approché de ce Serviteur de Jésus-Christ, que c’est uniquement le sacrifice supérieur, soutenu et présenté par lui, qui provoque, qui offense l’homme actuel, déchu sous le poids des difficultés que lui présentent le corps, le monde et Satan.
J’ai été le témoin des grâces reçues, et moi-même j’ai reçu plus d’une grâce par l’organe et l’intermédiaire de ce Serviteur de Jésus-Christ ; j’ai vu les fruits du service qu’il rendait à ceux qui venaient à lui, individus de différentes confessions, de différentes opinions. Je passe sur les exemples que je connais par le récit d’autres personnes ; j’ai vu moi-même dans ces derniers mois comment, en présentant le sacrifice supérieur chrétien, il a ramené au sein de l’Église plusieurs dissidents que Dieu a mis sur son chemin. J’ai été témoin de la profession de foi faite à l’abbaye d’Einsiedeln par une protestante, en présence des hauts dignitaires de l’Église qui y étaient venus pour assister à la grande fête de la Dédicace miraculeuse, et qui avec une joie chrétienne ont reconnu que la néophyte avait reçu dans son cœur l’esprit de Jésus-Christ, l’esprit de l’Église catholique. Je présente à Votre Grandeur cet acte et l’écrit que la néophyte a déposé à cette occasion, écrit exprimant sa foi, son sentiment et contenant aussi le témoignage de l’aide qu’elle avait reçue d’André Towianski. Peu de temps après, la sœur de cette personne, mère de quatre enfants qui ont été baptisés et élevés dans l’esprit du protestantisme, est pareillement entrée au sein de l’Église, et tous ses enfants reçoivent déjà une éducation catholique. J’ai vu aussi d’autres personnes qui présentaient l’opiniâtreté et la dureté protestantes accepter le sacrifice chrétien, et dans ce sacrifice rendre l’adoration en esprit et en vérité à Jésus-Christ, à la sainte Vierge, à l’Église de Jésus-Christ. Entre autres il se trouve un pasteur protestant d’Allemagne qui, pour la troisième fois déjà, accourt à la source de l’Œuvre de Dieu, de la distance de deux cents lieues, et qui, je n’en doute pas, témoignera dans son temps, par un acte extérieur, dans la forme, de ce qu’il porte déjà dans son esprit.
Et c’est là le témoignage principal que dans ma position, comme prêtre, je dois présenter à Votre Grandeur. Le sacrifice soutenu, c’est la marque principale du chrétien, c’est le caractère essentiellement chrétien qu’aucun hérétique n’a pu revêtir ni maintenir. Satan peut imiter tout, il peut emprunter les formes les plus saintes, il peut pénétrer les mystères ; le sacrifice seul lui répugne, il ne l’accepte pas, il n’éveille pas d’amour pour Dieu, il fuit toujours la croix de Jésus-Christ.
De plus, ce Serviteur de Jésus-Christ facilite à l’homme l’accomplissement du Verbe de Dieu, facilite la pratique du sacrifice en levant, par la Miséricorde de Dieu, le voile de quelques mystères que la Sagesse divine s’est plu à garder sous le sceau jusqu’à un temps destiné ; par là il facilite à la raison de l’homme l’intelligence plus claire des vérités qui jusqu’à ce temps ont été cachées pour lui. Ainsi l’homme voit la Justice et la Miséricorde de Dieu, il éveille en lui la crainte de Dieu, la crainte des jugements terribles du Seigneur ; il éveille en lui la confiance dans la Miséricorde divine ; il voit qu’en rejetant la volonté de Dieu, il devient lui-même son juge, il trace pour lui-même la punition ; il voit de plus en plus clairement que le Seigneur est justifié dans ses jugements, selon ce que dit le Psalmiste. L’homme marche dans les ténèbres ou dans la lumière de Dieu : « Dieu est la lumière même, et il n’y a point en lui de ténèbres », dit saint Jean. Plus Il est connu et plus Il est aimé.
Mais en éclaircissant les mystères de Dieu, qui étendent la connaissance et l’amour de l’homme, ce Serviteur de Jésus-Christ, à l’exemple de Jésus-Christ, laisse l’acceptation de la lumière du Ciel à la liberté et à la bonne volonté de l’homme. Il n’éclaircit les mystères de Dieu qu’aux frères qui s’unissent avec lui en Jésus-Christ, qui, pour pratiquer plus facilement la voie de Jésus-Christ, désirent que cette voie leur soit éclaircie, et dans ce but demandent son aide ; il se souvient des paroles dont le Seigneur se servit lorsqu’on lui demandait qui était Jean : « Et si vous voulez comprendre ce que je vous dis, c’est lui-même (Jean) qui est cet Élie qui doit venir.…. Élie est déjà venu, et ils ne l’ont pas connu. Il est vrai qu’Élie doit venir et qu’il rétablira toutes choses. » À celui qui prend la lumière avec le sacrifice, deviennent claires ces paroles du Seigneur gardées dans le mystère jusqu’à cette époque. En éclaircissant, il appelle ses frères à s’approcher de la connaissance des mystères de Dieu dans la crainte de Dieu, et dans le sacrifice avec lequel seulement le Ciel peut se révéler à l’homme, selon les paroles de Notre-Seigneur : « Le Royaume des cieux se prend par violence et ce sont les violents qui l’emportent. » Ce qui a découlé du sacrifice, par le sacrifice seulement peut être accepté, compris et employé pour le salut de l’homme. C’est par le sacrifice d’esprit que l’homme accepte le Verbe de Dieu, c’est par le même sacrifice, s’accomplissant dans le corps et dans l’action, que l’homme comprend et accomplit le Verbe de Dieu. La loi de l’acceptation et de l’intelligence du Verbe de Dieu est la même pour tous les siècles : c’est l’humilité, la foi, l’amour, le sacrifice. Il faut que l’homme s’humilie d’abord pour croire ; il faut que dans son amour il ouvre son cœur au Verbe de Dieu ; ensuite il verra la vérité, même par l’intelligence, par la raison, qui est également un don de Dieu et ne peut pas être contraire à la pensée et aux œuvres de Dieu. Israël endurci se scandalisait autrefois à la parole du Seigneur : « Je suis le pain vivant qui suis descendu du ciel… Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous. » Et le chrétien déchu de l’amour, acceptant et analysant la parole du Seigneur, sans le sacrifice, dans l’orgueil de sa raison, se scandalise et explique à sa manière cette parole : « Ceci est mon corps, ceci est mon Sang. » Cependant lorsque ces hauts mystères ont été éclaircis, lorsque la raison humaine qui se refusait à les reconnaître a été convaincue, il se trouve des Israélites, il se trouve des chrétiens qui se scandalisaient et qui ne se scandalisent plus, mais qui adorent en esprit et en vérité les très-saints mystères qui leur ont été éclaircis.
Mais tout en laissant à la volonté de l’homme l’acceptation de ce secours que lui présente la connaissance des mystères de Dieu, le Serviteur de Jésus-Christ transmet à l’homme, sans égard pour la volonté de l’homme, la Volonté de Dieu, déposée dans le Verbe de Dieu pour tous les siècles ; il la transmet par ses paroles, ses écrits, ses actions, par sa vie tout entière. L’homme dépose les fruits de son amour ou de sa résistance ; il est mis en compte devant Dieu. La voie du Serviteur de Jésus-Christ est, dans la partie qui lui est destinée, la voie même de Jésus-Christ.
Je présente cet aperçu très-général selon que mon état de santé me le permet. Le témoignage que dépose à Votre Grandeur M. *** vous fera connaître de plus près, Monseigneur, la vie et l’enseignement du Serviteur de Jésus-Christ, destiné à servir l’homme dans cette époque ; il vous fera connaître, je n’en doute pas, les principaux caractères d’après lesquels l’Église de Dieu reconnaissait de tous temps ses serviteurs fidèles. – Le déposant, M.***, est un ancien soldat qui n’a eu ni le loisir ni l’occasion d’apprendre dans les livres les vérités de la religion. Ce qu’il écrit, c’est la transmission de ce qu’il porte dans son âme, de ce qu’il a vu et entendu, de ce qu’il a touché, étant depuis neuf ans étroitement uni, dans la fraternité chrétienne, avec le Serviteur de Jésus-Christ. Il est connu dans toute l’émigration polonaise et dans la Pologne entière comme un homme droit, comme un soldat valeureux, comme le fils toujours fidèle de sa patrie, comme le fils toujours fidèle de l’Église, quoiqu’il ait passé une époque bien difficile. C’est en lui principalement que, pendant notre guerre nationale de 1834 contre la Russie, s’est manifesté le sentiment vrai du peuple chrétien polonais ; il a adopté un cri de guerre inusité dans les combats... et ce cri de guerre enflammait et soutenait son esprit et l’esprit de ses soldats ; l’image de la Mère de Dieu a été l’unique étendard du corps qu’il commandait. La bénédiction visible de Dieu qui le protégeait au milieu de grandes difficultés rappelait aux Polonais chrétiens les grandes époques d’Israël, guidé et soutenu par le Seigneur des armées.
Il me reste à ajouter quelques mots d’éclaircissement au sujet d’un écrit intitulé le Banquet (Biesiada). L’abbé ***, dans une brochure, a livré au jugement public l’examen de l’enseignement d’André Towianski, en s’appuyant uniquement sur l’écrit le Banquet, ou plutôt sur des notes connues sous ce titre. Il m’a paru inutile et peu conforme à la gravité du sujet d’entrer dans la polémique qu’il a ouverte : c’est une voie longue, pénible, et qui ne porte jamais de fruits chrétiens. Cependant j’ai manifesté mon sentiment sur son travail dans une lettre que je lui ai adressée et que je sens maintenant de mon devoir de présenter à Votre Grandeur 3.
Dès le commencement, je n’ai pas approuvé les procédés de quelques-uns des prêtres mes confrères ; j’ai blâmé la manière adoptée pour la publication du Banquet, publication faite par un fac-simile autographié. Pendant longtemps cette publication a servi aux feuilles de l’émigration et de notre pays comme un aliment de railleries, de blasphèmes, de critique contraire à toute charité, sur des sujets qui n’étaient pas éclaircis, qui n’étaient pas compris. – Cette différence dans la manière de voir et de procéder au sujet d’une question si grave me séparait dès le commencement de mes confrères, tous membres de la communauté à laquelle je m’étais associé dès sa fondation. Cette communauté fut formée par son premier fondateur, de sainte mémoire, visiblement dans l’esprit de l’Œuvre de Dieu, esprit dont les premiers membres de la communauté n’ont eu que le pressentiment, et que, plus tard, le Serviteur de Jésus-Christ, faisant son appel à l’homme, a éclairci, développé et appliqué à la pratique, à l’accomplissement. Je me convaincs de plus en plus que sur cette communauté a reposé la pensée de Dieu de connaître et de servir l’Œuvre de Dieu avant les autres appelés, d’en déposer le témoignage, dans la vérité, aux magistrats de l’Église. Mais ces premiers appelés, ayant abandonné l’idée et l’esprit qui les a réunis, n’accomplissent pas la pensée de Dieu qui a reposé sur eux, ils contribuent même le plus à en arrêter l’accomplissement. C’est ainsi que l’homme s’efforce de fermer la source d’où découle l’inquiétude de son âme, qu’il cherche à apaiser la voix de sa conscience.
Voilà, Monseigneur, tout ce que j’ai senti actuellement de mon devoir de soumettre à Votre Grandeur. La voix de ma conscience me dit que la mission de cet Homme vient de Dieu ; son sacrifice, la sagesse que par ce sacrifice il puise d’en haut, sa vie tout entière, témoignent également de sa mission. Il sert sans cesse ceux qui acceptent son service ; il est prêt à servir chaque homme, à servir les magistrats de l’homme, il est prêt à leur transmettre ce que la Volonté suprême lui a ordonné de transmettre. Je témoigne de ce que j’ai vu, de ce que j’ai entendu, de ce que j’ai touché ; en témoignant j’accomplis mon devoir ; mais il ne m’appartient pas de prononcer dans une question d’une si haute importance ; c’est la tâche des Magistrats que Dieu a établis pour être la lumière de son Église, auxquels Jésus-Christ a confié le gouvernement et la conduite de son Église, a confié le soin des âmes rachetées par le sacrifice du Sauveur. C’est aux hauts magistrats de l’Église qu’il appartient d’examiner une question d’une si grande importance et d’en donner l’opinion que l’homme, au milieu du chaos et des ténèbres actuels, attend de ses premiers magistrats.
Après avoir épanché mon âme, après avoir déposé aux pieds de Votre Grandeur mon témoignage actuel, je sens que mon fardeau est devenu plus léger. Le Seigneur transmet son Œuvre aux magistrats de son Église ; le Seigneur ouvre à son Œuvre un degré plus élevé, un champ plus vaste sur la terre ; et j’ai la confiance qu’Il l’appuiera par des voies et des moyens qui ne sont que dans son pouvoir.
Je joins au témoignage actuel le premier témoignage que j’ai déposé dans ma lettre à M. le Vicaire général et dont j’ai déjà fait mention ; j’y joins aussi les lettres qui m’ont été adressées par André Towianski, ainsi que la note que j’ai remise entre les mains de M. le grand Vicaire.
Je suis, Monseigneur, avec l’amour filial et la soumission la plus parfaite, en Notre Seigneur Jésus-Christ, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
4. – À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1851, le 25 octobre. Mulhouse.
Monsieur le grand Vicaire,
Il est de mon devoir de vous présenter ma situation actuelle. J’ai accompli, autant que mes faibles forces me l’ont permis, ce que depuis quelques années j’ai senti devant Dieu être mon devoir d’accomplir. J’ai reçu d’André Towianski les renseignements nécessaires, j’ai pris connaissance de l’Œuvre de Dieu qu’il accomplit et présente à l’homme.
Mon désir constant est de me présenter personnellement devant Sa Grandeur Monseigneur l’Archevêque de Paris pour lui renouveler la déclaration de mes sentiments de soumission filiale en Jésus-Christ, pour lui ouvrir mon âme, pour lui déposer de vive voix et soumettre à son opinion tout ce que j’ai vu, reçu et entendu, et de compléter ainsi le témoignage écrit que j’ai déposé l’an passé. Je suis convaincu que Sa Grandeur, aidée par la Grâce de Dieu, distinguera dans sa haute sagesse la vérité d’avec le faux et acceptera comme salutaire pour l’Église ce qui s’accomplit par la volonté de Dieu et au nom de Jésus-Christ, pour le triomphe de Jésus-Christ sur la terre, pour l’élévation de son Église. Je dois, pour servir fidèlement l’Église, présenter d’abord à mes magistrats ce que j’ai reçu pour servir l’Église. Avant d’accomplir ce devoir, je ne dépasse et ne dépasserai par aucun acte public les limites que ma conscience et mon devoir m’imposent à ce sujet ; je conserve aujourd’hui plus que jamais ma fidélité à Jésus-Christ et à son Église. Je vous exprime cela, M. le grand Vicaire, du fond de mon âme. – Mais en ce moment l’état de ma santé ne me permet pas d’accomplir ce que je désire accomplir ; et suivant le conseil des médecins, je dois me rendre actuellement dans le midi de la France. Là, dans la retraite devant Dieu, je tâcherai de me préparer à répondre à l’appel du Seigneur, si telles sont sa volonté et sa pensée sur moi, je me préparerai à faire ce pas que je sens être mon devoir le plus sacré.
J’ajoute que M. *** désire vivement déposer devant Sa Grandeur son témoignage et ses éclaircissements, et qu’il n’attend que les signes de la volonté de Dieu sans lesquels il n’ose faire un pas aussi grave. C’est le Seigneur qui marque pour l’homme les actions à accomplir, c’est Lui qui marque le moment de leur accomplissement.
Je dépose ma douleur devant Dieu, pour toutes les difficultés et persécutions que j’ai éprouvées de la part même de mes confrères qui ne cessent de mettre obstacle à l’Œuvre qui leur est inconnue, par leurs opinions et leurs jugements arrêtés d’avance, et qui empêchent par là les magistrats de l’Église de connaître la vérité telle qu’elle est.
Comme les pouvoirs que vous avez eu la bonté de m’accorder sont déjà expirés, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me les prolonger. J’espère en la Grâce de Dieu que j’en ferai un saint usage pour le salut de mon âme et pour le salut du prochain.
Veuillez agréer, M. le grand Vicaire, les sentiments les plus respectueux et l’expression de l’amour filial avec lesquels, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
P. S. Je pense fixer pour le moment mon séjour à Cassis près de Marseille : c’est pourquoi je vous prie de vouloir bien envoyer mes pouvoirs à M. le curé de Cassis.
5. – À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1851, le 30 novembre. Cassis.
Monsieur le grand Vicaire,
Vous me permettrez de répondre quelques mots à la lettre du 5 courant que vous m’avez adressée en me renvoyant mes lettres testimoniales. Je vous remercie du fond de mon âme pour l’intérêt, pour l’amitié que vous me manifestez : je ne doute pas de vos sentiments bienveillants pour moi, vous m’en avez donné tant de preuves. À cet intérêt, je dois répondre de mon côté par un épanchement sincère, je dois vous manifester, M. le grand Vicaire, tout mon sentiment que j’ai éprouvé en lisant vos observations et les reproches que vous me faites.
En m’humiliant devant Dieu pour mes péchés, je me soumets à la nouvelle épreuve que le Seigneur m’envoie par le refus que vous me faites de signer mes lettres testimoniales, et que par cela vous me retirez votre confiance. Quant à l’inquiétude que vous me faites voir, M. le grand Vicaire, au sujet de la doctrine d’André Towianski, inquiétude que vous basez sur les renseignements récents que vous avez reçus des personnes séculières qui ont vu de près M. Towianski et qui ont été fort scandalisées, comme vous me le dites, M. le grand Vicaire, il m’est bien douloureux que moi, prêtre, que vous connaissez bien, je n’aie plus cette confiance (dans une affaire si grave et jusqu’à ce moment inconnue à l’autorité de l’Église), qui aurait pu au moins balancer les opinions des personnes séculières. On se scandalise facilement quand on est appelé à faire son devoir, à accepter le sacrifice de Jésus-Christ, à vivre chrétiennement ; j’en ai vu des exemples nombreux durant mon ministère. Je sais à quoi André Towianski appelle chacun de ceux qui s’approchent de lui ; c’est cet appel au sacrifice chrétien, à la vie pratique chrétienne, qui lui fait des ennemis. L’homme pardonne plus facilement à son plus grand ennemi qu’à celui qui l’appelle à ses devoirs. Le crucifiement de Jésus-Christ, les persécutions qu’ont éprouvées tous ses plus fidèles serviteurs en sont la preuve.
Vous me faites ce reproche, M. le grand Vicaire, que j’ai eu la faiblesse de devenir disciple d’un individu, et qu’il vaut mieux suivre l’enseignement commun des Évêques et du Saint-Siège. En m’approchant de la personne d’André Towianski, grâce à Dieu, je n’ai point affaibli ma foi catholique ; bien au contraire, j’ai beaucoup gagné, car j’ai vu l’exemple vivant de la vie chrétienne, j’ai vu la foi catholique mise en pratique, appliquée à la vie de l’homme sur tous les champs. Je suis devenu disciple de la vérité qui m’a été présentée et non pas d’un homme, et je me laisse guider par elle. C’est cet amour de la vérité que j’ai recherchée toujours, cette inquiétude chrétienne de répondre à sa voix quand elle parle à ma conscience, qui m’a fait jadis abandonner les détours de ma jeunesse, qui m’a fait embrasser la vie chrétienne, qui m’a introduit dans l’état ecclésiastique, et depuis je ne cherche qu’à répondre à ma vocation le mieux que je le peux, je ne cherche qu’à connaître et à faire la volonté du Seigneur, je ne cherche que mon progrès chrétien, le salut de mon âme et celui du prochain. – Ce que j’ai accepté d’André Towianski, c’est l’amour plus grand de la croix de Jésus-Christ, des sacrifices de Jésus-Christ (qui furent pendant de longues années l’objet principal de toutes mes méditations) pour les soutenir partout, dans toutes mes actions, sur tous les champs de la vie. Et c’est précisément l’enseignement de l’Église, c’est l’appel continuel qu’elle fait à l’homme par sa doctrine, par ses sacrements, par sa forme.
Dieu, dans sa Miséricorde, permet aujourd’hui d’élargir l’action salutaire de l’Église en appelant l’homme actuel à connaître mieux les sacrifices de Jésus-Christ, à les appliquer à la vie privée et publique ; il facilite à l’homme cette application par un organe choisi. Dieu peut choisir tel instrument qu’Il veut pour manifester sa Volonté. J’ai cette conviction profonde que l’homme actuel et les nations ne sortiront pas du chaos et des ténèbres qui les enveloppent sans accepter le secours de Dieu qui se manifeste par son organe : tôt ou tard l’homme sera poussé à le reconnaître. Je sais, M. le grand Vicaire, qu’au milieu des difficultés et des obstacles actuels, je ressemble à un homme qui crie dans le désert ; mais ma conscience me pousse et je serais coupable devant Dieu, devant vous, mes magistrats, si je ne disais pas ce que j’ai vu, ce que j’ai senti. Je ne cesserai pas de vous témoigner de la vérité : c’est par le sacrifice de Jésus-Christ accepté et pratiqué par l’homme sur tous les champs de la vie, c’est par l’union de l’homme avec l’esprit de Jésus-Christ dans chacune de ses actions que le mal sera vaincu, que Jésus-Christ triomphera par l’homme, comme Il a triomphé par lui-même.
Je dois vous renouveler encore mon sentiment le plus profond, que jamais je n’ai cherché autant qu’en ce moment à être plus fidèle à Notre Seigneur Jésus-Christ, à son Église, à l’autorité de l’Église. L’Église est pour moi, comme elle l’a été, une autorité enseignante, judiciaire, et gardienne du Verbe de Dieu ; c’est à elle qu’appartient d’appliquer à la vie toute lumière et toute vérité utile au salut, de repousser toute erreur. – Dieu garde que je m’oppose jamais à la pensée de Dieu qui repose sur l’Église. En suivant la voix de ma conscience, je ne fais que présenter à mes magistrats, à Monseigneur l’Archevêque, à vous, M. le grand Vicaire, ce que j’ai senti et vu ; et dans ma liberté chrétienne, je profite de chaque lumière qui m’aide à régler ma vie selon l’esprit de la foi que j’ai puisée au sein de l’Église, qui m’aide à mettre en pratique ce que je porte dans mon âme, qui augmente mon amour pour Dieu et pour le prochain ; jamais je n’ai cherché autant qu’à présent à être plus fidèle à l’esprit de Jésus-Christ dans chaque moment de ma vie, dans chacune de mes actions. Et c’est le fruit des sacrifices continuels, de la fidélité à Jésus-Christ, que j’ai vus pratiqués par André Towianski. Je conserve cet espoir que, par ses sacrifices chrétiens soutenus constamment, il sera reconnu par l’Église de Jésus-Christ, il servira l’Église ; j’ai cet espoir que vous n’aurez plus, M. le grand Vicaire, cette inquiétude que vous avez actuellement, quand vous recevrez des renseignements plus positifs sur la personne d’André Towianski et sur l’Œuvre qu’il accomplit. En rendant témoignage à la vérité telle que je l’ai sentie et vue, devant Sa Grandeur Monseigneur l’Archevêque et devant vous, M. le grand Vicaire, je crois remplir mon devoir le plus sacré, je crois faire la volonté du Seigneur, et je conserve le désir constant de remplir ce devoir fidèlement. Je ne crois pas que pour cela j’aie mérité votre blâme et le refus de votre confiance.
J’ai senti de mon devoir de vous faire cet épanchement de mon âme.
Veuillez agréer, M, le grand Vicaire, l’assurance de mon respect et de mon amour filial, avec lesquels je suis, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
6. – À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1854, le 14 février. Fontainebleau.
Monsieur le grand Vicaire,
Ayant été obligé de repartir pour Fontainebleau, permettez-moi de vous exprimer par écrit le sentiment que je n’ai pas eu l’occasion de vous manifester de vive voix, quand je me suis présenté deux fois, mardi et jeudi de la semaine passée, dans votre cabinet à l’Archevêché.
C’est avec une grande douleur que j’ai appris par vous, M. le grand Vicaire, qu’une dénonciation calomnieuse vous est parvenue comme si j’avais abusé de votre confiance. Malgré ma protestation contre cette dénonciation, vous m’avez retiré le pouvoir de confesser. Je me suis soumis à cet ordre, espérant alors pouvoir rentrer bientôt dans le diocèse de Paris, où je pourrais plus facilement vous rendre compte de mes dispositions intérieures et de mes actions. Je sens de mon devoir de vous faire en ce moment cet épanchement. Je le fais dans le désir et l’espoir d’éloigner le mal qui s’efforce d’obscurcir la vérité.
Veuillez me permettre, M. le grand Vicaire, de rappeler quelle a été ma conduite envers mon autorité ecclésiastique depuis le moment où, obéissant à la voix de ma conscience, je me suis occupé de l’Œuvre que présente André Towianski. Aussitôt après avoir vu et entendu André Towianski, pendant mon séjour dans le midi de la France en 1849, je vous ai déposé par écrit mon témoignage, je vous ai rendu compte, M. le grand Vicaire, de ce que j’ai vu et entendu. À mon arrivée à Paris dans le courant de la même année, j’ai renouvelé mon témoignage devant vous de vive voix et en toute humilité ; dans la soumission à l’autorité de l’Église, je vous ai exposé mon sentiment quant à la question qui présentait une difficulté, question qui n’a point été cependant décidée par l’Église, qui n’est point précisée par l’enseignement catholique. Je vous ai alors ouvert mon âme, je vous ai manifesté comment j’envisage cette grave question, dans la crainte de Dieu, et comment j’en profite. Je vous ai exposé quelle aide j’ai reçue d’autre part par l’organe d’André Towianski, par son exemple, par sa vie chrétienne, par son sacrifice vivant et pratique. Je ne puis renier ma conscience, je dois rendre témoignage à la vérité. Je vous ai alors déposé ma déclaration par écrit dans une note datée de Paris, le 9 novembre 1849. Vous m’avez laissé ma liberté de conscience et ma liberté d’action dans les limites qu’un prêtre ne doit point dépasser en pareille circonstance, en ne propageant pas au dehors des questions qui n’ont pas été examinées par l’Église, qui n’ont pas été soumises à sa connaissance et à son jugement. C’est la ligne de conduite que j’ai suivie jusqu’à ce moment et que je suivrai encore à l’avenir.
En quittant Paris en 1850 à cause de ma santé, je vous ai prévenu, M. le grand Vicaire, que je tâcherais de revoir André Towianski pour être mieux renseigné sur le point de difficulté, ainsi que pour répondre à l’appel de ma conscience, afin de déposer ensuite mon témoignage à l’autorité compétente. C’est ce que j’ai fait, et autant que Dieu m’a permis de le faire alors, j’ai présenté mon témoignage à Monseigneur l’Archevêque de Paris. Depuis cette époque j’ai passé deux ans dans le midi de la France à cause de ma santé. Là, dans la retraite devant Dieu, j’ai cherché à profiter moi-même des vérités chrétiennes que j’ai entendues, que j’ai vu pratiquer. Le champ de mon ministère à l’égard du prochain était très limité. J’ai aidé cependant quelques personnes à sortir de leurs désordres, j’ai été l’instrument de la Grâce de Dieu pour aider une protestante à rentrer dans le sein de l’Église catholique. Comme par la Miséricorde de Dieu ma santé s’est trouvée améliorée, je me suis rapproché du diocèse de Paris, et j’ai choisi la ville de Fontainebleau pour mon séjour, afin d’y continuer ma retraite autant que Dieu le voudra. Je me suis présenté devant vous, M. le grand Vicaire, au mois d’octobre dernier, vous m’avez questionné, je vous ai épanché mon âme ; vous m’avez confirmé vous-même dans ma conviction qu’à l’égard du point en question, il n’y a point de décision de l’Église ; vous m’avez renouvelé mes pouvoirs.
Depuis, on est venu m’accuser devant vous, M. le grand Vicaire, d’avoir abusé de votre confiance. Je laisse à Dieu de juger la conduite des hommes qui, guidés par un zèle imprudent ou par un motif terrestre, cherchent à me calomnier, à me dénoncer pour ce seul fait que je rends témoignage à la vérité, que je ne partage pas leur opinion, leur opposition, leurs persécutions, leur tendance terrestre. Dieu voit ma conscience ; je ne vois pas avoir manqué sous ce rapport à mon devoir de chrétien et de prêtre. J’éprouve partout des difficultés et des persécutions quoique je n’aie fait aucun tort à mon prochain ; je désire son bien véritable, je cherche à y contribuer partout où Dieu me le permet. Au milieu de ces difficultés, je garde le calme de mon âme, je conserve l’amour pour ceux mêmes qui me persécutent. Je cherche à servir Dieu selon la vérité de l’Évangile, selon la vérité que j’ai apprise et que j’apprends à chaque moment dans les trésors de l’Église catholique, dans l’exercice de mon ministère sacré. Quand je sens que mon amour pour Dieu et pour le prochain est augmenté, quand je cherche à être plus fidèle toujours et partout à ce sentiment chrétien, quand je m’efforce de soutenir le sentiment chrétien dans ma conduite, dans mes actions, dans ma vie tout entière, le mal cherche à m’éloigner du champ du service de mon ministère, à empêcher le bien que je pourrais y faire.
Après vous avoir fait cet épanchement, M. le grand Vicaire, je vous renouvelle l’assurance des dispositions filiales et chrétiennes dans lesquelles j’ai toujours été envers les autorités de l’Église et envers vous, et que je prie Dieu de me conserver ; et dans l’espérance que vous voudrez bien me conserver votre confiance, je vous prie de me continuer mes pouvoirs, que je n’ai employés jusqu’à ce jour et que je n’emploierai, avec le secours de la Grâce de Dieu, que pour son service et pour sa gloire.
Veuillez accepter, M. le grand Vicaire, toute ma reconnaissance pour les bontés que vous avez eues pour moi. Je prie Dieu de vous conserver dans sa Grâce. Je suis, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
7. – À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1854, le 16 mars. Paris.
Monsieur le grand Vicaire,
Dans la dernière visite que je vous ai faite au bureau de l’Archevêché, vous m’avez questionné au sujet de la brochure de l’abbé ***. Permettez-moi de compléter les renseignements que je vous ai donnés de vive voix.
Au moment même où l’abbé *** a fait paraître cette brochure, je lui ai manifesté mon sentiment à ce sujet dans une lettre que je lui ai adressée, lettre dont la copie est jointe à mon témoignage déposé à Monseigneur l’Archevêque. Je crois de mon devoir de vous communiquer cette lettre ; veuillez bien, M. le grand Vicaire, en prendre connaissance. Je vous communique également, M. le grand Vicaire, un extrait du témoignage de M. ***, qui sera déposé plus tard et dans lequel il exprime aussi son sentiment en l’appuyant sur des faits qui ne peuvent être mis en doute. Il résulte de ces faits que des notes particulières écrites à la hâte, qui ne sont pas même signées par l’auteur, qui furent confiées en fraternité à une personne, ont été, par un abus de confiance et à l’insu de l’auteur, autographiées, puis imprimées, traduites, travesties par des écrivains de notre émigration, enfin prises par l’abbé *** comme base de son jugement sur la doctrine d’André Towianski. Quand cet écrit, le Banquet, a été présenté par un prêtre de mes confrères à la Congrégation de l’Index pour être jugé, la Congrégation a répondu qu’il n’y a pas lieu de juger des écrits qui ne sont pas signés par l’auteur ou publiés par lui ; cependant après cet avis de la Congrégation de l’Index, dicté par la prudence et la sagesse, c’est sur cet écrit seulement qu’un au plus tard l’abbé *** a basé son jugement.
Cette manière d’agir sans charité et sans justice a porté son fruit, on juge l’auteur et son œuvre d’après les opinions qu’on a avancées contre lui, sans connaître ni l’homme ni l’Œuvre qu’il fait et présente.
Cet homme, jugé par les uns comme hérétique, a cependant réconcilié avec l’Église catholique bien des hommes de différentes communions dissidentes. Je ne vous citerai, M. le grand Vicaire, parmi beaucoup d’autres, que deux faits récents. Le ministre protestant dont j’ai fait mention dans mon témoignage à Monseigneur l’Archevêque, comme s’étant approché d’André Towianski, après avoir appelé son troupeau, du haut de la chaire, à reconnaître et à invoquer la sainte Vierge, a renoncé à sa position, a fait son abjuration et est entré dans l’Église catholique, ainsi que sa femme et une autre famille de la même localité. Il a souffert avec constance toutes sortes de persécutions, et il est aujourd’hui organiste dans une ville d’Allemagne. Il n’y a pas encore un an qu’un Israélite, amené à l’Église catholique par des amis d’André Towianski et par les secours venus de cette source, a été baptisé à Paris dans la chapelle de Notre-Dame-de-Sion, Comment concilier avec ces faits les imputations d’hérésie portées par la brochure de l’abbé *** ?
Cet homme jugé par d’autres comme socialiste, perturbateur de l’ordre public, ennemi de la France et de la Pologne, a détourné des voies révolutionnaires des hommes qui ne cherchaient que dans ces voies le salut de notre patrie ; il a apporté pour la politique des nations la vérité, la lumière chrétienne, qui, je l’espère, sera appréciée un jour par tous les hommes qui cherchent avec bonne volonté la lumière et la vérité, qui n’agissent pas comme Pilate, comme les Scribes et les Pharisiens ont agi envers Notre Seigneur Jésus-Christ.
En annonçant une époque nouvelle, il a apporté des lumières qui ont préparé ses amis Polonais, Français et d’autres nations à être fidèles à Jésus-Christ et à sa sainte loi au milieu des bouleversements politiques qui devaient s’accomplir, en leur présentant l’idée qui doit dominer ces bouleversements. Il a également préparé ses amis et les a munis de l’arme nécessaire contre le danger des manifestations des esprits qui s’opèrent aujourd’hui. Il n’y a pas un de ses amis qui soit étonné des évènements qui se passent de nos jours. Il n’en est pas un seul qui soit tenté de chercher et de demander la vérité au moyen des tables et des crayons. Les notes dites le Banquet touchent cette matière importante qui a été largement éclaircie ailleurs. André Towianski a dit il y a plusieurs années que « la loi qui gardait sévèrement la barrière entre les vivants et les morts s’est radoucie ». On a repoussé alors ses avertissements et ses appels, aujourd’hui on est accablé par les faits qui se produisent dans ces temps extraordinaires.
Personne ne peut nier que ce soit lui le premier qui ait annoncé comme devant revenir en France l’idée de Napoléon, idée qui, éclaircie par lui, facilite l’application de la loi de Jésus-Christ à la vie publique des nations.
Je témoigne devant vous, M. le grand Vicaire, des faits chrétiens que j’ai vus, des services chrétiens dont j’ai vu profiter tant de personnes et dont je suis moi-même un témoignage.
André Towianski n’apporte pas une nouvelle doctrine, il ne dogmatise pas. Ce qu’il apporte, c’est la Grâce et la vie qui sont attachées à ses services, qui vivifient l’homme, qui le réconcilient avec Dieu et avec son prochain. Par ses services, il facilite l’acceptation de la loi de Jésus-Christ, l’accomplissement de cette loi dans toutes les actions de la vie privée et publique de l’homme.
André Towianski ne cherche pas sa gloire et son bonheur temporel : il cherche la gloire de Dieu, le triomphe de Jésus-Christ et de son Église ; il cherche et apporte dans ces jours malheureux le vrai bonheur de l’homme. On juge et on repousse l’homme sur qui repose la pensée de Dieu pour transmettre la vérité nécessaire à cette époque.
Interrogez, M. le grand Vicaire, ceux qui ont reçu ses services, ceux qui en profitent en vérité (car il en est qui n’en profitent pas, qui en abusent), ceux-là vous diront quelle doctrine ils ont reçue et à quoi ils sont appelés par les services d’André Towianski. Et il est juste qu’on interroge des amis, des serviteurs fidèles qui profitent et qui pratiquent, qui sont suffisamment éclairés au sujet de l’Œuvre et des services d’André Towianski. Un mauvais catholique, un schismatique, un protestant, en un mot un ennemi, peut-il témoigner de l’Église catholique et de sa doctrine ? Il en est de même par rapport à l’Œuvre que présente André Towianski, et pourtant jusqu’à présent on n’a cherché des renseignements sur cette Œuvre qu’auprès des ennemis d’André Towianski.
Permettez-moi, M. le grand Vicaire, d’ajouter quelques mots sur ma position personnelle. Quand on attaque par tous les moyens possibles et qu’on permet d’attaquer l’homme et la vérité qu’il apporte, il me semble juste et vrai qu’on permette de prendre sa défense, de repousser les calomnies, de mettre au jour l’innocence, d’apporter la lumière dans une question si importante qui touche le salut de l’homme et la gloire de Dieu. Je ne crois pas avoir dépassé à cet égard les limites de mes devoirs de chrétien et de prêtre. Dans ma lettre du 14 février, je vous ai exposé, M. le grand Vicaire, ma conduite et ma disposition à ce sujet ; cependant votre méfiance pèse sur moi. Vous m’avez refusé le pouvoir de confesser, et, suivant ce que je vois, pour ce seul fait que je rends un témoignage favorable ; car vous n’avez aucun autre fait à me reprocher. Jusqu’à ce moment je n’ai rien publié, je n’ai rien fait paraître à ce sujet ; tout ce que j’ai fait, tout ce que je pense même, je vous l’ai dit soit verbalement, soit par écrit ; ma confiance, mon épanchement chrétien, méritent d’être appréciés et doivent avoir une certaine valeur contre les dénonciations des ennemis. Cependant je me trouve déjà puni dans une affaire jusqu’à présent inconnue, qui n’a été jugée par aucune autorité de l’Église. Par ce refus, M. le grand Vicaire, vous m’exposez à bien des difficultés au milieu de mes compatriotes qui, dans ce temps de carême, peuvent réclamer les services de mon ministère, et je vous avoue que j’en éprouve une grande douleur 4.
Je suis prêt, M. le grand Vicaire, à me présenter personnellement à l’Archevêché quand vous voudrez bien me le permettre ; je suis prêt à vous apporter tous les renseignements que vous pourrez me demander, autant qu’il sera en mon pouvoir de vous les donner ; je suis prêt à vous ouvrir mon âme que je n’ai jamais fermée devant vous.
Permettez-moi de joindre ici une lettre d’un professeur de théologie qui est allé exprès à Zurich pour voir André Towianski. Cette lettre a été adressée par lui à un de ses amis, père d’un jeune homme qui a reçu les services d’André Towianski, ce qui donnait de l’inquiétude à son père, ainsi qu’à ce prêtre, qui était son confesseur. Vous verrez, M. le grand Vicaire, ce qu’il dit à ce sujet. Je crois que son opinion est d’une certaine valeur.
Veuillez agréer, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
8. – À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1864, le 6 novembre. Paris.
Monsieur le grand Vicaire,
Plusieurs de mes compatriotes ont cherché auprès de moi une aide spirituelle pour pouvoir profiter de ce temps de grâce du Jubilé ; c’est pourquoi j’ose exposer à Monseigneur, pour le bien de ces âmes, la position dans laquelle je me trouve, étant privé des pouvoirs de confesser, qui m’ont été retirés depuis le commencement de cette année.
Vous me permettrez, M. le grand Vicaire, de rappeler ici brièvement tous les témoignages et épanchements chrétiens que j’ai déposés devant mon autorité, sur la vérité que j’ai sentie et vue devant Dieu, et en cela je crois avoir rempli mon devoir. J’ai déposé ma conviction profonde sur l’importance des services chrétiens qu’André Towianski rend à tout homme de bonne volonté qui s’approche de lui. J’ai cité les exemples d’individus de toutes opinions et de diverses croyances ramenés au sein de l’Église catholique et à l’accomplissement de leurs devoirs chrétiens. À ces faits dont j’ai été moi-même témoin, j’ajoute qu’un grand nombre de mes compatriotes sont aujourd’hui ranimés par André Towianski dans l’amour pour Jésus-Christ et pour son Église. J’ai déposé ma conviction sur l’aide que les nations et l’Église de Jésus-Christ peuvent recevoir dans ces temps extraordinaires par la lumière, la force chrétienne, la grâce de Dieu, qui se manifestent vivantes dans cet homme. Cette conviction s’est confirmée en moi avec une grande force par les faits chrétiens dont j’ai été témoin de nouveau dans le voyage que je viens de faire auprès de cet Homme de Dieu.
Je sens plus que jamais que tous les évènements si graves qui se passent aujourd’hui poussent l’homme à répondre à l’appel de Dieu : d’entrer en esprit et en vérité dans la voie chrétienne, d’accepter l’esprit chrétien, de le soutenir, de l’introduire par les sacrifices chrétiens dans toutes les actions de la vie privée et publique. Je sens que tout pousse l’homme aujourd’hui à entrer dans cette Époque supérieure de l’action chrétienne, dont André Towianski présente en lui l’idéal vivant, qu’il éclaircit, dont il facilite l’accomplissement par la lumière et la Grâce de Dieu dont il est organe. Je sens et je vois l’importance des services chrétiens appliqués aux circonstances actuelles, qu’il rend en ce moment à ses compatriotes pour l’accomplissement de leurs devoirs comme chrétiens et comme Polonais.
J’ajoute à tous mes témoignages que je confirme en ce moment devant vous, M. le grand Vicaire, que je repousse du fond de mon âme les accusations injustes jetées par l’abbé *** devant le public, dans sa brochure dirigée contre André Towianski, accusations qui sont le plus contraires aux convictions religieuses d’André Towianski et à celles que je porte. Je crois vous avoir suffisamment démontré, dans les pièces que je vous ai remises, la base fausse des jugements injustes et téméraires de l’abbé ***. Je dépose encore une fois ma douleur devant Dieu, devant Monseigneur et devant vous, M. le grand Vicaire, sur ce que dans une matière aussi grave, qui n’est pas encore connue ni approfondie, un tel jugement injuste ait été porté par l’abbé ***. Je dépose ma douleur sur ce que de grandes difficultés en soient résultées pour les services de mon ministère envers mes compatriotes, que de grandes difficultés en soient résultées pour arriver à la connaissance de la vérité sur cette matière si importante, qui sera par la suite pleinement éclaircie par André Towianski lui-même, et qui, je n’en doute pas, sera reconnue et appréciée dans sa grande valeur chrétienne.
Ayant fait, en ce qui concerne cette question si grave, tout ce que j’ai senti et cru devoir faire dans ma conscience devant Dieu, je remets le reste à Dieu, à la sagesse et à la conscience de mon autorité, en implorant la Grâce de Dieu, sa Lumière et sa Miséricorde.
C’est dans les sentiments de soumission filiale en Jésus-Christ que j’ai déposé tous mes témoignages devant Monseigneur et devant vous, M. le grand Vicaire ; je persévère dans ces sentiments, et j’assure Monseigneur et vous, M. le grand Vicaire, de mon respect et de mon amour les plus profonds, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
9. – À M. LE GRAND VICAIRE ***.
1855, le 31 mars. Paris.
Monsieur le grand Vicaire,
C’est dans les sentiments du respect et de la soumission filiale en Jésus-Christ qu’un prêtre fidèle doit à son autorité que j’ai déposé tous mes témoignages et déclarations devant Monseigneur l’Archevêque de Paris, ainsi que devant vous, M. le grand Vicaire, sur l’Œuvre qu’André Towianski fait et présente. En déposant ces témoignages, je sens avoir rempli le devoir le plus sacré de la fidélité que je dois à Jésus-Christ, à son Église, aux magistrats de l’Église auxquels il importe le plus de connaître la vérité dans sa lumière vraie, afin qu’ils puissent donner leur opinion dans une matière si grave, qui touche le salut de l’homme. C’est aux hauts magistrats de l’Église auxquels Jésus-Christ a confié le salut des âmes qu’appartient ce devoir sacré. Hors les témoignages que j’ai déposés devant vous, je n’ai rien publié, je n’ai jamais enseigné une autre doctrine que celle de l’Église catholique.
En répondant à votre demande, M. le grand Vicaire, je déclare que j’accepte avec une soumission filiale tous les décrets que le dernier concile de Paris a portés touchant la foi, la morale et la discipline de l’Église. Je déclare que dans l’Œuvre qu’André Towianski fait et présente, Je repousserais tout ce qui pourrait être contraire à Jésus-Christ, à sa loi, à l’enseignement de l’Église. Cependant je dois ici renouveler mon sentiment le plus profond qui est basé sur les faits que j’ai vus, sur les services chrétiens qu’André Towianski rend au prochain, que, dans l’Œuvre qu’il présente, il s’agit de l’accomplissement, de la pratique de la loi de Jésus-Christ, il s’agit de la gloire de Jésus-Christ, du triomphe de l’Église et du progrès chrétien de l’homme.
Je dois rendre ce témoignage à la vérité, je ne puis étouffer la voix de ma conscience ni mon sentiment de foi et d’amour que je sens plus vivant dans mon âme, dans mon être tout entier par la Grâce que Dieu, dans sa Miséricorde, répand plus abondamment de nos jours par cet Homme de Dieu. Dieu est libre de choisir l’organe qui lui plaît pour réclamer de l’homme l’accomplissement de sa Volonté. Dieu peut, dans sa Miséricorde, répandre des grâces plus abondantes, des lumières plus grandes, pour faciliter le progrès de l’homme sur la voie chrétienne, pour faciliter l’accomplissement de la loi que Jésus-Christ a laissée à l’homme jusqu’à la fin du monde, pour que l’homme accomplisse cette loi sur toutes ses routes privées et publiques, pour qu’il rende gloire à Dieu en esprit et en vérité.
Je vous remets cette déclaration que vous m’avez demandée, M. le grand Vicaire, et la confirmation de tous les témoignages que j’ai déposés devant vous. J’attends votre réponse, et je vous assure de nouveau, M. le grand Vicaire, de mes sentiments du plus profond respect avec lequel je suis, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
–––––––
II
LETTRES DE L’ABBÉ DUNSKI
À DIVERSES PERSONNES.
–––––––
1. – À M. L’ABBÉ ***.
(Traduction du polonais.)
1849, le 16 octobre. Paris.
Monsieur l’Abbé,
Puisque vous me demandez mon opinion sur la brochure que vous devez publier contre André Towianski, je vous fais mes observations générales.
1° L’exposition du dogme catholique y est sèche, froide, sans simplicité. Il y a l’intention visible de formuler le dogme catholique de manière qu’il soit en contradiction avec les paroles attribuées à André Towianski.
2° Ignorance complète de l’enseignement d’André Towianski. Vous avez formulé vous-même tout un système de contradictions au dogme catholique, entre autres : sur la création, le péché originel, la rédemption, sur la personne de Notre Seigneur Jésus-Christ, etc. ; et vous vous efforcez de trouver ces contradictions dans l’écrit le Banquet, écrit d’ailleurs éclairci déjà par d’autres écrits d’André Towianski, qui vous sont connus.
3° Vous faites un grand abus de votre intelligence, péché pour lequel Dieu pourrait bien vous punir.
4° Tout votre travail est digne d’un protestant plutôt que d’un prêtre catholique.
5° L’exagération, la mauvaise foi, le faux, sont si visibles qu’ils ne demandent pas même à être réfutés : qui nimis probat, nihil probat.
6° Je vous donne cet avis par égard pour votre caractère de prêtre, pour le bien de la communauté à laquelle vous appartenez, par égard pour l’amour de la vérité, pour la gloire du Seigneur qui en résulte ; je vous le donne par écrit pour qu’il vous reste la trace de mon avertissement.
Édouard DUNSKI, prêtre.
2. – AU MÊME ABBÉ.
(Traduction du polonais.)
(Cette lettre a été jointe au témoignage déposé à l’archevêché de Paris.)
1850, le 19 juillet. Paris.
Monsieur l’Abbé,
La publication de votre brochure est pour moi-un motif de m’adresser à vous de nouveau, et après avoir déposé devant Dieu ma douleur chrétienne, de réclamer d’abord auprès de vous contre l’outrage fait à la vérité, contre le ton manquant d’amour chrétien que vous avez manifesté publiquement. Vous n’avez pas écouté dans le temps mon avertissement, vous n’avez pas accepté mon service ; comment vous accepterez actuellement ma parole, je le remets à Dieu.
J’ai relu avec la plus grande douleur votre travail, et je vois que vous, mon frère, prêtre de Jésus-Christ, qui êtes établi comme sentinelle de la vérité et de l’amour, qui avez le devoir de les pratiquer et de les sauvegarder par votre exemple, par votre parole et par toute votre vie, vous avez déposé publiquement le fruit du manque d’amour, vous avez déposé le fruit du faux.
Par la doctrine et la lettre amassées dans l’Église pendant les siècles par le sacrifice et le travail, vous dominez, vous abusez de cette lettre, et par cette lettre vous jugez sans amour, sans vérité, parce que vous jugez sans connaître la chose que vous traitez. Vous vous êtes fixé dans la doctrine, et vous croyez que toute vie qui se manifeste n’est que doctrine, et que de la doctrine seulement peut venir la vie. C’est ainsi que jadis on a jugé le Verbe vivant, incarné, Dieu lui-même ; c’est ainsi que les doctrinaires le jugent jusqu’à présent, et crucifient l’Esprit ne pouvant plus atteindre l’Homme... Vous avez eu tort de juger que M. Towianski apporte quelque doctrine ou quelque système créé par lui ; et, de ce jugement, vous avez créé vous-même un système que vous lui attribuez, dans lequel il n’y a pas de vérité, parce que, d’une base fausse, le développement ni les conséquences ne peuvent être vrais.
Vous êtes allé vers M. Towianski avec un jugement arrêté, avec un système œuvre de votre raison, et c’est pour cela que vous n’avez obtenu ni éclaircissements, ni réponse. La vérité s’éclaircit dans un entretien fraternel, entre des personnes libres et de bonne volonté, qui sont disposées à reconnaître la vérité où que ce soit, et de qui que ce soit qu’elles l’entendent. Et c’est pour cela, précisément, que M. Towianski vous a appelé au sacrifice, lorsqu’il a vu que vous n’apportiez que le produit de l’intelligence ; il a demandé de vous l’union dans le sacrifice, pour adorer Dieu en esprit et en vérité. Vous ne l’avez pas compris, et vous avez de nouveau cherché la réponse dans la doctrine, Fides ex auditu. Dans un doute moqueur, vous avez reçu et vous publiez ce que M. Towianski vous a exprimé sur Dieu, sur Jésus-Christ, sur l’Église, sur la patrie, sur le paysan malheureux, parce que tout pour vous est dans la doctrine…
Vous attaquez le sentiment en disant qu’il ne peut être le juge, qu’il ne peut être la voie pour connaître la vérité. Eh quoi ! un fait vivant ne vous frappe pas, qu’à tant d’hommes, ce Serviteur de Dieu ait ouvert l’organe du sentiment, et que, par cet organe, aient accepté la foi en Jésus-Christ et en l’Église tant de nos frères jadis égarés dans les diverses voies du monde ! Cependant, l’Apôtre et le Prince de l’Église, saint Pierre, a cru sur l’appel du Seigneur : « Suis-moi », et il a tout quitté et a suivi. Les dissertateurs de la loi ne crurent pas malgré toutes les preuves, tous les signes...
Je vous ajoute l’assurance, autant que je puis le faire de mon côté, en me confiant aux frères qui ont accepté sincèrement et fidèlement le sentiment chrétien, qu’autant votre brochure leur a causé de douleur devant Dieu, autant ils conservent le même calme dans la soumission à la volonté de Dieu qui permet que, par ce péché, se manifeste publiquement l’Œuvre dont ils sont les serviteurs, et que, par ma parole actuelle, ils vous apportent le pardon, « car vous ne savez ce que vous faites » ; et ils prient Dieu qu’Il soit miséricordieux pour vous, mon frère, comme pour eux et pour tous ceux qui gémissent et qui cherchent sa miséricorde : Quia apud Dominum misericordia, et copiasa apud eum redemptio.
Puisque vous avez terminé votre préface par les paroles de saint Augustin, permettez que moi aussi je finisse cette lettre par ses paroles : « Nous avons beaucoup de commandements sur la foi, beaucoup sur l’espérance ; qui pourrait les réunir tous et les compter ? Mais remarquons ce que dit l’Apôtre : La plénitude de la loi est dans l’amour. Là où est l’Amour, rien ne manque ; où l’amour n’est pas, qu’est-ce qui peut le remplacer ? Satan croit, n’aime pas, et quiconque aime croit. Il espère le pardon en vain, il est vrai, mais cependant il peut espérer, celui qui n’aime pas ; personne ne doit désespérer qui aime. Ainsi donc, où est l’amour, là, nécessairement, sont en même temps la foi et l’espérance ; et où est l’amour du prochain, là est nécessairement aussi l’amour de Dieu (83, sur saint Jean évangéliste). » Vous connaissez les conseils que l’auteur de l’Imitation commence par donner dans les premiers chapitres : « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie... Qui veut comprendre pleinement et avec goût les paroles de Jésus-Christ doit s’appliquer à conformer toute sa vie à Jésus-Christ. Que vous sert de disputer savamment sur la Trinité si vous manquez d’humilité ; et si, à cause de cela, vous déplaisez à la Trinité ?… Car quand vous sauriez par cœur toute la Bible et toutes les paroles des philosophes, à quoi tout cela vous servirait-il, sans l’amour de Dieu et sans la grâce ? Vanité des vanités, et tout est vanité, excepté d’aimer Dieu et de le servir seul... La science enfle… Les savants aiment à paraître et à être appelés sages, etc. »
Oui, M. l’Abbé, en aimant le prochain, nous aimons Dieu, et celui qui aime, celui-là croit et espère que les promesses de Dieu seront accomplies : « Pas un iota de l’Écriture ne passera avant que tout soit accompli. » Le Verbe de Dieu est donné à l’homme pour être accompli, et non pour être discuté, et ce n’est que d’après cela que nous serons jugés. La foi sans les actions est morte ; les actions qui ne sont pas vivifiées par l’esprit de la foi et de l’amour sont vaines. Il faut adorer Dieu en esprit et en vérité. Il faut aimer le prochain en esprit et en vérité, accepter le Verbe de Dieu, et par le sacrifice chrétien, l’incarner dans chaque action. Cet accomplissement de la volonté de Dieu est la véritable adoration de Dieu ; Dieu demande de tels adorateurs. Approchez-vous davantage, M. l’Abbé, des disciples de Towianski, comme vous les appelez, et vous verrez ce qui leur importe principalement, si ce sont les discussions théologiques ou l’accomplissement des lois de l’Évangile, des lois de l’Église, dans la voie marquée par la croix du Sauveur. Vois connaissez les difficultés de l’homme, vous connaissez vos peines et vos travaux, à vous qui restez le plus souvent renfermé chez vous ; eux ; ils sont appelés au même travail, mais sur toutes les routes où ils se trouvent ; quiconque parmi eux a agi autrement en répondra devant Dieu et devant les hommes.
La parole sans amour et sans vérité, répandue contre le prochain, ne glorifie pas le Seigneur ; c’est ainsi que nous avons jadis défendu la démocratie, les principes du peuple ; mais il n’est pas permis de défendre ainsi Jésus-Christ ni son Église. Jésus-Christ exige que nous l’imitions dans le sacrifice qu’Il a accompli, dans la voie qu’Il a enseignée, dans la vie qu’Il a manifestée. Il donne la vie, Il enseigne la vérité, Il montre la voie. Et son serviteur facilite aujourd’hui à l’homme actuel l’acceptation de la voie de Jésus-Christ, car il l’accomplit lui-même. Je vous le dis, M. l’Abbé, c’est à cette voie qu’il sera reconnu par tous ceux qui cherchent cette voie. C’est à cette voie que l’Église le reconnaîtra lorsque la mauvaise volonté aura déposé ses fruits, et n’empêchera plus qu’il se fasse connaître. Alors, on regardera d’un autre œil ses travaux et ses écrits ; on reconnaîtra de quel esprit il les transmet, et on verra si l’Église lui donnera une place, comme vous l’avez déjà jugé, dans l’histoire des hérésies et des erreurs.
Encore un mot. De l’esprit dont est venue la publication du Banquet (Biesiada), dont sont venues l’expulsion de M. Towianski de Paris, de Rome, etc., et toutes les fausses accusations que jusqu’à présent on a répandues contre lui, du même esprit sont venus l’analyse et le jugement actuel de la Biesiada et de son auteur. Et cependant le but, quelque élevé qu’il soit, ne justifie pas les moyens ; la forme, quelque sainte qu’elle soit, ne remplace pas la vérité.
On lui a déjà tout imputé : qu’il est espion et serviteur de la Russie, parce qu’il a montré la Miséricorde de Dieu qui s’étend aussi sur la Russie ; qu’il est magnétiseur, afin de nier la Grâce dont Dieu l’a comblé plus abondamment ; qu’il est démocrate, socialiste, qu’il soulève le peuple, parce qu’il a découvert les trésors spirituels de notre paysan et qu’il appelle à lui donner la fraternité. Il fallait y ajouter la parole du prêtre : qu’il est hérétique, blasphémateur, qu’il renverse l’Église. Vous le voyez, M. l’Abbé, « le Serviteur n’est pas plus grand que le Seigneur ».
Par les fruits que vous avez déposés, vous m’avez donné le droit de faire la présente réclamation. Le Seigneur Jésus-Christ le permet, l’ordonne : « Par leurs fruits, jugez-les. » Dans un plein amour pour votre personne, je porte la douleur sur le fruit que vous avez déposé.
Nous espérons que la Miséricorde de Dieu prendra la défense de son Serviteur, prendra la défense de la vérité outragée. Je vous recommande à la Miséricorde de Dieu.
Votre serviteur en Jésus-Christ,
Édouard DUNSKI, prêtre.
3. – À DEUX DE SES COMPATRIOTES RÉFUGIÉS DEMEURANT EN FRANCE.
(Traduction du polonais.)
1851, le 6 avril. Zurich.
Chers frères,
J’ai reçu vos lettres du 29 mars. Je vous remercie de votre sincérité, de votre épanchement devant moi, des sentiments affectueux que vous me manifestez. J’ai le devoir d’éclaircir davantage le point que vous n’avez pas compris dans ma dernière lettre, et sur lequel vous exprimez quelque crainte. Ce point, vous l’auriez résolu facilement vous-mêmes si vous aviez accepté dans la pratique le sacrifice chrétien, touchant lequel, comme vous le dites, vous êtes d’accord avec nous ; si vous aviez lu ma lettre dans ce sacrifice, dans la liberté chrétienne, dégagés de toutes les suspicions, de tous les jugements que d’autres ont déjà semés ; si, dans cette cause, l’amour seul, le sentiment, la mesure chrétienne était votre mesure. Vous vous unissez au témoignage que j’ai rendu dans ma lettre sur le Serviteur de Jésus-Christ et sur l’Œuvre qu’il fait et présente ; vous repoussez la conclusion que j’y ai faite en parlant de quelques magistrats de l’Église ; car je n’ai pas le droit de parler de ceux qui jusqu’à présent n’ont qu’une notion incomplète ou n’en ont aucune sur le Serviteur de Jésus-Christ, sur la volonté actuelle de Dieu pour l’homme, sur la grande Miséricorde de Dieu, sur les secours qui descendent d’en haut pour l’homme. J’ai parlé de ceux qui ont préjugé et jugé sans connaître ce qu’ils jugent, ce qu’ils persécutent, ce qu’ils arrêtent..... Les péchés de l’ancien Israël se répètent ; et le sacrifice de Jésus-Christ, dans la partie destinée, se répète ; c’est à ce sacrifice que sera reconnu le Serviteur de Jésus-Christ, mais malheur à l’homme sans amour dont les yeux ne s’ouvrent que devant le martyre et la croix soutenus jusqu’à la fin par l’organe de la vérité ! Ce sacrifice du Serviteur de Jésus-Christ, sacrifice que provoquent les péchés de l’homme actuel, mettra l’homme en compte de même que le sacrifice de Jésus-Christ a mis en compte toute la création pour tous les siècles.
Le sacrifice accompli n’est jamais perdu devant Dieu, tôt ou tard il porte son fruit ; à présent ou dans l’avenir l’homme en profitera. Voyant de mes propres yeux le sacrifice du Serviteur de Jésus-Christ, profitant de ce sacrifice, voyant en même temps ses injustes persécuteurs, n’ai-je pas eu le droit de dire : « Qui est davantage dans l’Église, est-ce le serviteur fidèle ou le magistrat qui n’aime pas, qui n’accomplit pas la volonté du Seigneur ? » Le magistrat qui n’aime pas, qui vit sans sacrifice, et qui juge d’un jugement non chrétien, ne reconnaîtra pas la volonté du Seigneur, il ne l’acceptera pas et ne la transmettra pas de son poste à ses subordonnés. Le magistrat, tout en observant la forme de l’Église, peut par le péché s’écarter de l’esprit de Jésus-Christ, de l’esprit de l’Église, peut par le péché appuyer le royaume de la terre et même le royaume inférieur, celui de l’enfer ; Dieu pourra le permettre, comme suite des péchés de l’homme, du manqué d’artibur ; lu manque de sacrifice ; du rejet de la loi de Jésus-Christ : homme, tu aimes le mal ; tu l’as en abondance, tu l’as dans ton magistrat même ; afin qu’étant rassasié des fruits di mal tu aspires at bien : Qui abandonne la voie de Jésus-Christ, qui rejette l’amour, le sacrifice, n’a pas l’esprit de l’Église de Jésus-Christ ; la forme seule ne peut le sauver.
Nous vivons au milieu du chaos. Là où il s’agit de l’application du Verbe du Seigneur, de la pratique du Verbe sur la terre, que le Seigneur réclame et qui seule peut tirer le monde de sa misère, de son esclavage actuel, là le chrétien est aujourd’hui dans le chaos ; il ne sait pas manifester sur la terre ce qu’il porte dans son esprit ; il nie par ses paroles et ses actions ce qu’il adore par son esprit ; il renferme la vie du Verbe de Dieu dans les limites étroites du champ qui a été cultivé dans les siècles passés par le sacrifice des serviteurs de Jésus-Christ ; mais il n’a pas assez d’amour et d’énergie chrétienne pour porter cette vie sur un champ plus vaste pour l’accomplissement de la volonté actuelle de Dieu. L’homme ne sortira pas du chaos tant qu’il n’acceptera pas du Serviteur destiné le service qui lui est destiné. Le Père renvoyait au Fils le fidèle Israël, le Fils le renverra au Serviteur qu’Il a destiné comme organe de sa volonté. Il y a déjà des magistrats de l’Église, il y a des fils fidèles de l’Église ; il y a des infidèles qui sont devenus fidèles par le Serviteur de Jésus-Christ ; tous ils portent ce témoignage à l’Église : « Nous avons reçu le service qui nous a été destiné par la Miséricorde de Dieu ; le Verbe de Dieu vit, peut vivre et vivra par l’homme. Le sacrifice de Jésus-Christ, accepté et pratiqué davantage, amènera cette vie du Verbe, vie chrétienne à laquelle le Verbe incarné a appelé l’homme. »
Les magistrats de l’Église seront, dans l’avenir, comme ils l’ont été jusqu’à présent ; gardiens du Verbe, et guideront l’homme dans son progrès avec une force plus grande, avec une union et une soumission plus grandes de la part de l’homme. La pensée de Dieu n’est point retirée des magistrats de Dieu, Les fruits des sacrifices du Serviteur de Jésus-Christ seront déposés devant l’autorité actuelle, afin qu’elle en fasse l’usage qui est destiné. Dieu a le pouvoir de transmettre sa volonté par les instruments qu’il lui plaît de choisir et de destiner, par des voies et des moyens qui ne sont qu’en son pouvoir.
Le Serviteur de Jésus-Christ cherche à connaître, sent et adore la pensée de Dieu partout où elle se manifeste, même dans le vermisseau qui rampe sur la terre ; comment ne vénérerait-il pas la pensée de Dieu qui repose sur l’autorité venant de Dieu ? Plus que personne, il sent cette pensée, s’y soumet, et la sert. Il est venu pour étendre la connaissance de l’homme, pour éclaircir la volonté de Dieu transmise dans le Verbe de Dieu, pour la faire entrer dans la vie, pour rappeler à l’homme la pensée divine qui repose sur ses magistrats, pour rappeler aux magistrats leurs devoirs et leur responsabilité devant Dieu, pour rétablir le respect qui leur est dû.
Jésus-Christ peut, par des serviteurs qui ne sont pas magistrats de l’Église, étendre son Royaume sur la terre ; Il peut, par des organes qu’il lui plaît de choisir, réclamer auprès de l’homme contre sa négligence à connaître et à accomplir sa loi. L’amour vrai reconnaît la volonté de Dieu et l’accomplit sans chercher à approfondir pourquoi tel homme et non un autre est destiné à être l’organe choisi pour transmettre la volonté de Dieu. Qui pose des barrières pour que rien de supérieur ne descende du Ciel sur la terre produit les fruits de son manque d’amour de Dieu. Qui aime la vérité l’accepte sans égard à celui par qui elle arrive ; c’est là l’épreuve de l’amour chrétien, et l’amour vrai ne se laisse pas tromper. – L’amour est tout pour l’homme, parce qu’il est l’unique force pour son progrès chrétien supérieur. Jésus-Christ a fait de l’amour la base de sa loi ; pour allumer dans l’homme l’amour du Ciel, Il est venu pauvre des biens de la terre ; et de nos jours, Il réclame de l’homme cet amour par son Serviteur qui sert l’homme dans l’égalité, dans la fraternité, sans aucune autorité terrestre, laissant à l’amour seul l’acceptation ou le rejet de ce qu’il transmet suivant la volonté suprême. Jésus-Christ a éprouvé le rejet et la persécution, et le Serviteur de Jésus-Christ les éprouve.
Je vous envoie un petit extrait de la vie de saint Bernard que j’ai dans ce moment sous la main, sur ce qu’il dit pour défendre la bienheureuse Hildegarde qui vivait de son temps et que Dieu avait choisie pour être un organe de prophéties et d’avertissements pour l’Église. « … Il (saint Bernard) les lut avec d’autant plus de soin qu’on jugeait ces livres de diverses manières ; les uns respectant ce qu’ils ne comprenaient pas, les autres les condamnant comme des rêveries. Mais Bernard, édifié au-delà de tout ce qu’on peut dire, se tourna vers ses compagnons : « Ces révélations, leur dit-il, ne sont pas l’ouvrage de l’homme ; et nul mortel ne les comprendra, à moins que l’amour n’ait renouvelé son âme à l’image et à la ressemblance de Dieu. » – Cependant l’un des assistants fit observer que beaucoup d’hommes savants et ignorants, religieux et séculiers, crucifiaient journellement l’âme de la servante de Dieu, en répétant que ses visions n’étaient que des hallucinations du cerveau, ou des tromperies du démon. Sur quoi saint Bernard répondit : « Ne nous étonnons pas, mon frère, que ceux qui dorment dans leurs péchés regardent les révélations d’en haut comme des folies, puisque l’Apôtre nous affirme que l’homme animal ne comprend point les choses de l’esprit. Oui, certes, ceux qui gisent ensevelis dans l’orgueil, dans l’impureté ou dans les autres péchés, prennent pour des rêveries les avertissements de Dieu ; mais s’ils étaient vigilants dans la crainte du Seigneur, ils connaîtraient les signes certains de l’opération divine. Quant à ceux qui pensent que ces visions sont des suggestions du démon, ils montrent qu’ils n’ont aucune science profonde de la contemplation divine ; ils ressemblent à ceux qui disaient de Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, qu’il chassait les démons par la puissance de Beelzébub. » Puis, s’adressant à Hildegarde elle-même : « Pour vous, ma fille, lui dit-il, ne craignez point les propos des hommes, puisque vous avez Dieu pour protecteur : leurs vains discours s’envoleront comme de la paille ; mais la parole de Dieu demeure éternellement. »
» Sainte Hildegarde passa longtemps pour une visionnaire ; vierge simple et timide, elle n’osait manifester au dehors les dons qui enrichissaient son âme ; mais enfin, du sein de sa faiblesse, Dieu fit jaillir une si vive lumière, que bientôt la gloire succéda à gon ignominie, et les princes de la terre, aussi bien que les pontifes, reçurent en tremblant ses réprimandes et ses conseils.
» Les écrits de sainte Hildegarde furent approuvés par le concile de Trèves, présidé par le pape lui-même. »
J’ajoute un court extrait des révélations de sainte Hildegarde sur ce qu’elle dit au sujet de l’Église et de ses sept époques :
« Sainte Hildegarde, dans une autre vision, contemple la tour de la sagesse, tour qui n’est point encore achevée et a qui s’élève incessamment sous la main de fervents ouvriers. Au pied de la tour s’agitent les hommes de la science spéculative ; ils vont et viennent, et n’y entrent pas ; les hommes de pratique seuls y pénètrent et se placent, revêtus de robes blanches, aux divers degrés de l’édifice céleste, montent jusqu’au sommet, lequel va lui-même toujours en montant... »
… « Or, l’Église n’a pas encore atteint sa plénitude dans son corps ; elle se développe jusqu’au jour où son nombre sera rempli. La tête de l’Église, c’est le Fils de Dieu ; le corps et les membres, c’est l’Église et ses enfants... »
Les avertissements et les révélations restent ensevelis dans les bibliothèques : on les retrouvera et on s’en souviendra au moment de la réclamation divine…
Les paroles de saint Bernard, je peux les répéter pour la défense du Serviteur de Jésus-Christ, persécuté, emprisonné, repoussé, jugé par les savants et les ignorants de ce monde, par des ecclésiastiques et des laïques, sans qu’il soit connu, écouté, sans que soit connu ce qu’il apporte et transmet.
Je prie Dieu que les magistrats, que l’autorité suprême de l’Église prennent connaissance de l’Œuvre de Dieu qui se fait par la volonté de Dieu, qu’ils la connaissent telle qu’elle est dans la vérité, et non d’après les brochures et les jugements faux des hommes, qu’ils en donnent leur opinion, qu’ils en facilitent à l’homme la connaissance, l’acceptation et l’accomplissement. Le moment où cela s’accomplira dépend des comptes de l’homme devant Pieu ; Dieu veille sur son Œuvre, et la dirige dans sa Miséricorde. Le retard de l’homme dans l’accomplissement de la volonté de Dieu ne peut m’empêcher de servir Dieu dans son Œuvre suivant la Grâce et la connaissance que Dieu daigne me donner à moi indigne. Quiconque est appelé et touché par la Grâce, quiconque sait, sera responsable devant Dieu, rendra compte de l’emploi des dons qui lui ont été accordés : chacun en à la mesure dans sa conscience.
Je suis convaincu de votre fidélité à l’Église, je connais votre foi. Si ce que vous faites suffit à l’amour que vous devez porter pour Jésus-Christ, et si vous ne voulez sans l’ordre du magistrat connaître ni aimer davantage Jésus-Christ, personne ne peut éveiller cet amour en vous, personne ne peut vous l’imposer. L’homme, par son amour, doit lui-même sentir sa misère, aspirer, désirer et implorer le Seigneur ; il doit voir que la volonté du Seigneur n’est pas faite, que le nom du Seigneur n’est pas sanctifié, que la vérité, la justice sont bannies. Qui, par manque d’amour, ne voit pas le mal, devra subir les fruits du mal jusqu’à ce qu’il le voie.
Le Serviteur de Jésus-Christ appelant le monde en vertu de sa mission à entrer dans l’Église de Jésus-Christ, à accepter les saints trésors de l’Église, loin d’altérer aucune des formes, des cérémonies, fait connaître leur vraie signification, les vivifie par l’esprit et étend leur action. L’homme voit devant lui un plus vaste horizon : il connaît mieux la pensée de Dieu qui repose sur lui, sur l’Église, et rend grâces à Dieu de ce que sa connaissance plus grande augmente son amour pour le Créateur ; il trouve un nouveau mobile pour la vie, pour le progrès, pour l’accomplissement de la volonté du Créateur ; il trouve une nouvelle force pour se sacrifier pour son propre progrès et pour celui de son prochain ; de la théorie, des vérités abstraites, il passe à la pratique, et à mesure de son progrès, la pensée de Dieu, la volonté de Dieu deviennent plus claires pour lui. L’esprit et l’homme trouvent également la joie.
Toute valeur terrestre est mesurée d’une mesure terrestre juste ; il n’y a que l’amour, le sacrifice, la vie d’esprit éveillée dans l’homme, qui donnent la mesure chrétienne pour mesurer la valeur céleste.
Qui aime Dieu et manifeste en action son amour reconnaîtra et appréciera toujours et partout l’objet de son amour ; l’amour vrai ne se laisse pas tromper. Celui qui aime sa mère et qui est avec elle dans l’union chrétienne de l’esprit, si le mal venait à prendre les traits, la voix, les mouvements de sa mère, en fils aimant, il reconnaîtrait que sous ces formes de mère, l’esprit de sa mère n’est pas ; à cause de la forme, il ne s’unirait pas à un esprit contraire, il ne se tranquilliserait pas et ne cesserait d’aspirer vers sa mère.
Quiconque n’éveillera pas en lui un tel amour, quiconque laissera s’éteindre la vie d’esprit que, dans la suite des siècles, Dieu a allumée en lui, le mal le gouvernera, l’opprimera, non-seulement sous les formes des vertus terrestres, mais même sous des formes saintes, célestes, chrétiennes ; le mal qui est loin d’accepter l’essence est capable et, par la permission de Dieu, a le pouvoir de prendre toutes les formes ; et celui-là ne sera pas exaucé qui, n’adorant pas Dieu en esprit et en vérité, adore le mal à cause de la forme prise par le mal, et par là commet une idolâtrie.
À mesure de son progrès, l’homme sera toujours plus tenté par le mal se couvrant de formes, son amour sera toujours plus éprouvé, il sera toujours plus obligé à distinguer, par son amour et son sacrifice, le bien et le mal.
Dans l’enfance de l’homme, c’était pour lui un mérite que d’adorer la forme sans distinguer ce que couvre cette forme, sans distinguer si elle est l’expression de l’esprit soumis à Dieu, ou si elle exprime ce qui n’y est pas, si elle ment, trompe, tente ; dans l’enfance de l’homme, suffisait l’horreur du mal se manifestant ouvertement sous ses propres formes ; le mal à découvert servait d’épreuve à l’amour de l’homme ; le mal couvert de formes devient l’épreuve de l’amour pour l’homme plus avancé. Après que pendant dix-huit siècles, les fruits de l’amour de Jésus-Christ se sont répandus sur la terre, c’est pour l’homme une faute grave que de manquer d’amour, et par manque d’amour, de ne pas distinguer Jésus-Christ, Chef de l’Église, du Royaume des Cieux, d’avec les princes des faux royaumes qui, pour établir leur domination, prennent les formes de Jésus-Christ. Contre le mal à découvert, le caractère terrestre suffit ; contre le mal couvert de formes, il faut l’amour et le sacrifice.
Dans cette époque où Dieu réclame de l’homme l’amour, le sacrifice, la vie d’esprit libre et vraie, Dieu exige de l’homme les fruits de l’amour vrai ; il les réclame surtout du Polonais, son enfant plus âgé. La Pologne est une nation chrétienne, car depuis des siècles elle a accepté le Verbe de Dieu par l’esprit, par le sentiment, et non par la terre, par la raison. Comme Polonais, puisons donc à cette source d’amour d’où a découlé la foi si forte de nos aïeux, foi manifestée dans la forme et entretenue dans son essence par l’amour, par le tressaillement de l’esprit polonais libre, vivant. Ne renions pas ce caractère chrétien de nos aïeux, n’adorons pas à cause de sa forme ce qui n’est pas de Jésus-Christ, adorons en mesurant de la mesure de Jésus-Christ, d’après la vraie valeur ; que ce qui est laid ne cesse pas, à cause d’un beau vêtement, d’être laid pour nous. Constants dans notre caractère chrétien, ne cédons à aucune influence, à aucune suggestion du mal ; voyant l’unité (et l’unité, c’est le Verbe de Dieu et le degré de la voie chrétienne que ce Verbe, cette volonté de Dieu ont destiné d’atteindre dans le progrès chrétien), reposant dans l’unité, tendant à l’unité, nous obtiendrons la paix de Jésus-Christ. Notre esprit, une fois accordé au ton de Jésus-Christ, ne se désaccordera plus, il ne sera pas opprimé, tourmenté par des tons divers, par ces atteintes funestes d’un mal plus ou moins grand ; dans cette paix, nous ne ferons que les sacrifices destinés, nous porterons la croix de Jésus-Christ, indispensable pour suivre la voie de Jésus-Christ. Osons, nous Polonais, enfants plus âgés de Dieu, osons écarter les apparences, les illusions qui, par la permission de Dieu, deviennent de jour en jour plus grandes pour nous ; pénétrons-nous d’amour et acceptons l’essence, le Verbe de Dieu, l’adoration de Dieu en esprit et en vérité, par l’accomplissement de sa sainte volonté ; et alors, d’accord avec la pensée de Dieu qui repose sur la Pologne, nous étendrons le Royaume de Jésus-Christ, nous élèverons l’Église de Jésus-Christ, afin que, comme cela est destiné, cette Église resplendisse d’un éclat nouveau et plus grand dans cette Époque chrétienne supérieure, qu’elle resplendisse par les serviteurs de Jésus-Christ, les premiers appelés.
C’est le bien que je souhaite à ma patrie ; je le souhaite à vous, mes frères, et à moi-même.
Si je ne vous rendais pas ce témoignage, et je le fais depuis que je connais le Serviteur de Jésus-Christ et à mesure de mon propre progrès, je serais responsable devant Dieu et devant votre esprit qui, si ce n’est aujourd’hui, un jour verra clairement la vérité. Permettez-moi encore, mes chers frères, de vous répéter ce que je vous ai déjà dit plus haut : si vous vous tenez dans l’amour pour Jésus-Christ, pour la vérité, dans le sacrifice, dans la liberté, mes paroles ne seront pas un scandale pour vous ; elles ne le seront pas si vous considérez l’esprit, le sentiment dont elles découlent, si vous considérez l’ensemble de toute la pensée, et non des périodes isolées ; il est impossible de répéter toujours tout dans chaque lettre.
Voilà, mes chers frères, ce qu’à la hâte j’ai résumé pour vous, afin de compléter mon service. Je sens devant Dieu que je l’ai accompli, qu’après tant d’éclaircissements que je vous ai donnés sur l’Œuvre sainte, j’ai le droit d’attendre votre union en Jésus-Christ ; je sens en même temps que je n’ai pas le droit d’insister davantage, respectant votre liberté. Je ne cesse de demander à Dieu de combler par sa Grâce ce qui a manqué à mon faible amour et à mon sacrifice, de vous faire éviter les détours et les croix qui ne sont pas destinés par la volonté de Dieu, mais que l’homme ne profitant pas de la grande Miséricorde de Dieu qui découle de nos jours peut porter dans les siècles.
Je vous envoie mes salutations et mes embrassements fraternels à vous et à votre famille.
Votre frère et votre serviteur en Jésus-Christ,
Édouard DUNSKI, prêtre.
4. – À M. L’ABBÉ ***, RELIGIEUX EN SUISSE.
1851, sans date précise. Zurich.
Mon révérend Père,
J’ai reçu votre lettre du 6 de ce mois et celle de Monseigneur l’Évêque de ***. J’ai tâché d’accomplir envers vous, mon Père, le devoir chrétien, en vous disant sur vous-même la vérité telle que je l’ai sentie et vue devant Dieu, en vous donnant des renseignements plus positifs, quoique incomplets, sur ce qui touche M. Towianski et les notes intitulées le Banquet (Biesiada), en vous donnant la connaissance de cette Miséricorde de Dieu qui, par cet homme, descend aujourd’hui sur la terre. Vous vous êtes offensé, mon Père, de mon service chrétien ; vous ne faites aucun cas des renseignements donnés ; vous ne faites aucun cas des services faits par André Towianski et dont vous avez vu les fruits, qui sont le triomphe de Jésus-Christ et de son Église, fruits qui prouvent que cet homme est le Serviteur le plus fidèle de l’Église de Jésus-Christ. Vous rejetez, vous jugez tout cela comme l’œuvre du malin esprit, parce que c’est un laïque qui l’a fait, comme vous le dites dans la lettre adressée à *** : « Surtout ce ne sont pas des laïques qui sont appelés à des missions extraordinaires... je ne connais point cette mission. »
Jésus-Christ peut étendre son Royaume sur la terre par ses serviteurs qui ne sont pas magistrats de l’Église ; Il peut, pour faire son Œuvre, se servir d’un organe qu’il Lui plait de choisir, et réclamer de l’homme, par cet organe, que sa loi qu’Il nous a transmise soit reconnue et accomplie 5. L’amour véritable ne cherche que la volonté du Seigneur, l’amour véritable reconnaît la volonté du Seigneur et l’accomplit sans examiner pourquoi tel ou tel autre en est l’organe. Un roi qui confie le gouvernement d’une province à un de ses sujets a-t-il perdu ses droits sur cette province ? a-t-il cessé d’en être le maître ? Et celui-là n’est-il pas contre le roi qui ne veut pas même entendre parler de ses ordres, parce qu’il a plu au roi de les envoyer par un autre que par le magistrat qu’il a institué ?
Jésus-Christ a donné le salut, le progrès supérieur chrétien, a ouvert le Ciel pour l’homme. Celui qui, sous quelque forme que ce soit, mettant des limites au Ciel, empêche que la vérité destinée à ramener et à appuyer l’homme sur la voie de salut et de progrès se communique du Ciel à la terre, celui-là dépose le fruit le plus triste de son manque d’amour pour Dieu et le prochain. Celui qui aime Dieu et le prochain reçoit la vérité par qui que ce soit qu’elle vienne et, l’ayant reçue, il tâche de s’unir en elle avec son prochain. C’est ainsi que Dieu met à l’épreuve l’amour de l’homme, et l’amour véritable ne se laisse pas tromper.
Le Serviteur de Jésus-Christ a déjà beaucoup transmis à l’homme par ses écrits, par sa parole et ses actions ; et vous, mon Père, vous ne voulez prendre en considération rien de plus que des notes particulières, incomplètes, publiées à l’insu de l’auteur. L’auteur est jugé, non pas d’après son ouvrage, mais d’après ce qui ne fait pas même partie de son ouvrage, car ce n’est pas cela qu’André Towianski transmet à l’homme par la volonté de Dieu. Les notes Biesiada ne servent que de prétexte pour rejeter l’appel, la volonté du Seigneur. Dieu, qui voit les secrets des cœurs, jugera l’intention de l’homme, jugera l’homme pour son manque d’amour.
Vous dites, mon Père : « Je ne connais pas la mission de cet homme. » Cependant vous pouvez et vous devez la connaître. Il appartient aux magistrats de l’Église de reconnaître par l’amour de Jésus-Christ ce qui vient de Jésus-Christ, de l’accepter dans la vénération due, de repousser et d’anéantir ce qui ne vient pas de Jésus-Christ. Le compte des magistrats de Jésus-Christ, le jugement qui les attend, s’établissent d’après cet amour, d’après ce sacrifice qui reconnaît ce qui vient de Jésus-Christ.
Vous savez, mon Père, de quelle manière les Apôtres et les vrais disciples de Jésus-Christ ont reconnu la mission de Jésus-Christ ; les miracles n’étaient donnés que pour les infidèles, à cause de leur dureté. Ceux qui aimaient la vérité ont reconnu la voix de la vérité, ceux qui ont cherché à adorer le Père ont reconnu le Fils. « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de moi-même », a dit Jésus-Christ aux magistrats et au peuple d’Israël. Vous êtes professeur de théologie, vous savez de quelle manière l’Église reconnaît de tout temps ses serviteurs et les grâces extraordinaires que Dieu leur accorde. La synagogue, zélée pour la lettre morte, a crucifié Jésus-Christ. C’est l’esprit qui peut juger de l’esprit ; c’est le sacrifice qui peut juger du sacrifice ; c’est l’amour de la lumière divine, de la vérité, qui peut juger de la lumière et des ténèbres. La doctrine seule sans la vie d’esprit, sans la Grâce, peut nous tromper ; il faut demander la Grâce avant de juger. Qui ne veut pas s’élever au-dessus de la terre et de la forme, qui ne les vivifie pas par son esprit, avec l’aide de la Grâce, celui-là rejettera tout ce qui vient de l’esprit, tout ce qui vient de la Grâce. C’est le manque d’amour pour le Ciel qui fait rejeter le Ciel.
Le manque d’amour est une faute très-grave pour l’homme, une faute plus grave encore pour les magistrats de l’homme, et devant le tribunal de Dieu, on leur répétera les paroles de Jésus-Christ : « Vous n’entrez pas vous-mêmes dans le Royaume du Ciel et vous n’en permettez pas l’entrée à ceux qui désirent d’y entrer. » On peut étouffer pour un moment sa conscience, on peut même, par son péché, obtenir une gloire et un triomphe apparent, mais on ne sera pas justifié devant le tribunal de Dieu.
Jésus-Christ a été repoussé et persécuté ; le Serviteur de Jésus-Christ l’est aussi jusqu’à ce moment. Israël, en rejetant le sacrifice de Jésus-Christ auquel il avait été appelé, a repoussé Jésus-Christ. Le Serviteur de Jésus-Christ appelle l’homme par sa parole, par toutes ses actions, à accepter le sacrifice de Jésus-Christ, il l’accomplit lui-même ; c’est sa mission, c’est ce qu’il transmet à l’homme par la volonté de Dieu ; c’est pour cela qu’il est persécuté.
Vous avez cherché, mon Père, comme vous le dites, poussé par la charité, à savoir l’opinion de Monseigneur de *** sur les notes Biesiada. Mais avez-vous donné à Monseigneur les renseignements que je vous ai communiqués sur ces notes, sur l’auteur lui-même, sur ses écrits, sur les services chrétiens qu’il rend ? Je n’en trouve aucune trace dans la lettre de Monseigneur ; cependant la charité et même la justice exigeaient que Monseigneur fût prévenu de ces faits. Sachant ces faits, peut-être aurait-il demandé d’autres renseignements plus positifs, pour pouvoir porter un jugement dans toute la vérité. Je ne doute pas que Monseigneur de ***, s’il devait prononcer sur cette affaire, aurait employé tous les moyens de prudence et de charité que chaque homme a le droit de demander des magistrats de l’Église de Jésus-Christ. On voit dans la lettre de Monseigneur qu’il a su conserver le ton chrétien, la charité chrétienne, en traitant même d’une matière si peu éclaircie, d’une personne inconnue et étrangère, et cela dans une lettre particulière. On voit que c’est un Évêque qui a pris sur sa conscience la charge des âmes. Cette prudence, je la vois dans la conduite de mes magistrats ecclésiastiques du diocèse de Paris, qui, depuis neuf ans, malgré les obstacles et les difficultés que la mauvaise volonté de l’homme a présentés contre André Towianski (et la brochure de l’abbé *** est de ce nombre), ont suspendu leur jugement et m’ont laissé toute la liberté pour connaître à fond l’Œuvre qu’il fait, et pour en déposer le témoignage ; c’est ce qui est la cause de mon séjour ici.
Comment voulez-vous, mon Père, que j’accepte l’opinion que vous m’imposez, et le jugement sur André Towianski, basé uniquement sur les notes Biesiada, quand j’ai sous la main plusieurs autres écrits qui expliquent sa mission et le secours qu’elle apporte à l’homme sur la voie de Jésus-Christ, et qui me font comprendre ces mêmes notes dans la lumière vraie ; – quand tous les jours je suis témoin des services chrétiens qu’André Towianski rend à chacun qui s’approche de lui dans la bonne volonté de profiter de son service ; – quand moi-même, par la Miséricorde de Dieu, j’en profite tous les jours ; – quand ma foi catholique, dont je porte le germe profondément dans mon âme, se trouve tous les jours affermie et augmentée par la lumière que ce Serviteur de Jésus-Christ répand sur tous les points de notre sainte religion, en l’appliquant à tous les cas de la vie privée et publique de l’homme ; – quand je vois les plus hauts mystères de notre religion éclaircis de manière que la foi et la raison de l’homme s’en trouvent également satisfaites ; – quand je vois le sacrifice chrétien, la croix de Jésus-Christ plantés dans l’âme et dans le cœur de cet Homme, lui donnant à chaque moment de sa vie, dans toutes les positions où il se trouve, la lumière, la sagesse, la force pour appliquer le Verbe de Dieu à la vie, à la pratique ; – quand je vois que cette lumière, cette sagesse et cette force serviront un jour à des millions d’hommes pour revenir à la foi catholique, pour faire vivre le Verbe de Dieu dans les actions de l’homme ; – quand je vois que l’Église de Jésus-Christ reçoit un secours d’en haut, de la Miséricorde de Dieu, et que tôt ou tard elle sera servie activement par son Serviteur le plus fidèle ; – quand je vois avec quel amour ce Serviteur de Jésus Christ supporte les persécutions que le mal invente contre lui ; – quand je vois enfin qu’au milieu des orages politiques de nos temps, dans les moments mêmes où l’espoir de l’existence libre de la Pologne semblait devoir se réaliser et avait séduit la plus grande partie de l’Émigration polonaise, cet Homme et tous ceux qui l’ont suivi ne cessaient d’appeler leurs compatriotes à prendre la voie de Jésus-Christ, sur laquelle seulement les vœux d’une existence nationale libre peuvent être bénis par le Seigneur et porter leur fruit pour la gloire de Dieu et le salut des hommes ?
Oui, mon Père, pour que je renie la Miséricorde de Dieu qui descend par cet Homme sur la terre, pour que je la renie au milieu de tant de preuves palpables pour le sentiment et pour la raison de l’homme, il faut que je renie mon sentiment, ma raison, ma conscience et ma foi, ma foi qui n’est pas autre que catholique, celle que j’ai apprise dans mes prières, dans mes méditations, dans les livres saints, dans la vie des saints, dans les études enfin que l’autorité de l’Église de Jésus-Christ nous transmet depuis des siècles ; il faut que je renie tout cela, tandis que je vois quel usage et quel profit je dois en tirer pour que mon être tout entier soit pénétré de ces vérités et qu’il vive de ces trésors amassés par les siècles ; tandis que je vois que cette lumière du Verbe de Dieu, cette semence sainte jetée par Jésus-Christ il y a des siècles, doit enfin produire ses résultats ; tandis que Jésus-Christ fait appel à l’homme, à son Église, par les évènements si extraordinaires de nos temps, où tous les esprits se trouvent ébranlés, où toute intelligence humaine ne voit rien, où des catastrophes nouvelles sont suspendues sur les nations et sur l’Église même ; tandis que je vois que l’homme actuel est visiblement poussé à se convertir de tout son cœur vers le Ciel, d’où seulement le secours pourra lui arriver ; tandis que je vois par les faits que plusieurs individus aidés par cet Homme servent déjà Dieu en esprit et en vérité, et que beaucoup d’autres sont mis visiblement en compte devant Dieu par les sacrifices de cet Homme !
Oui, mon Père, je vous le dis devant Dieu : l’homme actuel sera poussé, par la Grâce ou par la force de Dieu, à accepter le sacrifice de Jésus-Christ, à renouer avec le Ciel ce fil qu’il a rompu ; tôt ou tard la volonté de Dieu sera faite ! Je vous le dis devant Dieu qui regarde nos cœurs et nos consciences : vous vous trompez, mon Père, et tous ceux qui partagent votre opinion. – Par la Miséricorde de Dieu, ayant connu cette matière dans son ensemble, je parle à vous, mon Père, qui ne la connaissez pas même encore en partie. Il est dans juste que vous preniez en considération mes paroles, les renseignements que je vous donne ; que vous cherchiez à connaître cet ensemble, et, après l’avoir connu, que vous en donniez votre opinion du poste de la magistrature que Jésus-Christ vous a confiée dans son Église. C’est un devoir qui pèse sur votre conscience, mon Père, et aujourd’hui ce devoir se trouve visiblement sur votre chemin ; je désire vous porter mon service dans ce but, je désire que vous ayez un mérite devant Dieu par l’accomplissement consciencieux de vos devoirs. À Dieu ne plaise, mon Père, que l’Œuvre de Dieu, que cette Miséricorde de Dieu qui se répand aujourd’hui sur la terre, vous rende coupable de résistance à l’appel du Seigneur !
C’est devant Dieu que je dépose ce témoignage ; c’est devant Dieu qui nous voit, qui nous jugera un jour, que je vous prie, mon Père, de prendre en attention ces quelques paroles que je vous adresse présentement.
Cependant, si telle est votre volonté de continuer à poursuivre, à l’occasion de quelques notes inéclaircies, le Serviteur de Jésus-Christ, parce que, par la volonté de Dieu, il fait appel à l’homme, il appelle au sacrifice, faites-le, mon Père ! mais n’oublions pas que bientôt nous paraîtrons devant le tribunal de Dieu et que nous y rendrons compte de nos actions et des motifs de nos actions. Après le témoignage que je vous dépose, vous ne pourrez pas dire devant le tribunal de Dieu que vous ne saviez pas ce que vous avez fait.
En rejetant ma bonne volonté et le service que je vous fais, vous me fermeriez, mon Père, par ce rejet, le champ de mon service pour vous ; je me présenterai pur devant votre esprit qui n’aura pas le droit de m’accuser de manque d’amour pour lui.
Je vous laisse libre aussi d’agir à mon égard devant Monseigneur de *** comme vous l’entendrez. Je n’ai en vue que d’accomplir le devoir que je sens devant Dieu, en rendant témoignage à la vérité que j’ai connue, et tant que je conserverai l’amour de Jésus-Christ et mon entier dévouement pour Lui, j’ose espérer que Jésus-Christ daignera me couvrir de sa protection.
Recevez, je vous prie, mon Père, mes sentiments chrétiens pour vous, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
5. – À MONSEIGNEUR L’ÉVÊQUE DE ***, EN SUISSE.
(On place ici cet écrit déposé devant l’autorité de l’Église, parce que, par son sujet, il se lie à la lettre précédente.)
1851, le 27 avril, Zurich.
Monseigneur,
En déposant devant Dieu ma douleur chrétienne pour l’offense faite à la vérité dans la dénonciation déposée contre moi, comme favorisant un système religieux contraire à la foi catholique et en étant complice, je m’humilie en même temps devant la justice de Dieu, qui, pour mes nombreux péchés, permet que je sois frappé par votre décision, Monseigneur, par la suspension des pouvoirs que vous m’aviez accordés de célébrer la sainte Messe et de recevoir les confessions des fidèles dans votre diocèse. Ma santé, trop affaiblie, ne m’a pas permis pendant longtemps d’user de ces pouvoirs, ni pour mon propre bien, ni pour le bien des fidèles ; depuis peu de temps et à de longs intervalles, j’ai pu dire la sainte Messe, et aujourd’hui que ma santé me permettrait de profiter davantage de ce secours, Votre Grandeur, en me retirant mes pouvoirs, me prive du secours et de la consolation que chaque prêtre peut recevoir du sacrifice de la sainte Messe, en s’unissant au Sacrifice de Jésus-Christ ; elle m’en prive dans ce saint temps du Carême et du Jubilé, temps de la Miséricorde de Dieu. En Me soumettant à votre décision, Monseigneur, je sens de mon devoir de vous exposer, en quelques mots, les motifs de mon séjour ici, de vous exposer ma position.
Je suis arrivé à Zurich avec la permission de mon autorité diocésaine ; en outre de mes pouvoirs, j’ai reçu une lettre de recommandation auprès des autorités ecclésiastiques des autres diocèses ; je suis arrivé dans le but de connaître à fond l’Œuvre qu’André Towianski fait et présente. Tout le temps de mon séjour ici, je l’ai employé à accomplir ce devoir de ma conscience et à en déposer le témoignage ; depuis deux ans déjà, j’ai entrepris cette tâche, au vu et su de mon autorité compétente. Au mois de décembre dernier, j’ai déposé devant elle mon second témoignage ; je l’ai rendu à la vérité telle qu’elle est, et non telle que la présente la mauvaise volonté ; j’ai témoigné de ce que j’ai vu, de ce que j’ai entendu d’André Towianski lui-même.
En toute conscience, je vois dans cette Œuvre l’Œuvre de Jésus-Christ et de son Église ; je vois dans André Towianski le plus fidèle, le plus dévoué Serviteur que, depuis le commencement, Jésus-Christ et son Église aient eu sur la terre.
Touchant bientôt au but de mon travail et de mon séjour en Suisse, j’ai l’intention de revenir dans mon diocèse, pour y compléter les témoignages que j’ai déposés.
Je garde, dans toute sa pureté, la foi catholique que j’ai reçue dans l’Église, je suis soumis à l’autorité de l’Église à laquelle, jusqu’à ce moment, je n’ai manqué en quoi que ce soit. Jésus-Christ et l’Église ne me défendent pas de rechercher la vérité qui vient de Lui, et d’en rendre témoignage ; j’ai déposé ce témoignage tout en restant fidèle à l’Église et à l’autorité compétente. Je ne vois pas quelle a été ma faute.
Si c’est la volonté de Votre Grandeur, je suis tout prêt à déposer devant Elle les témoignages que j’ai déposés devant mon autorité diocésaine. Quant aux écrits de M. Towianski, il ne m’appartient pas d’en faire la déposition : c’est la tâche de l’auteur lui-même de présenter ses écrits, qui jusqu’à ce moment n’ont pas été publiés par lui, de rendre compte de ses actions et de sa mission à l’autorité de l’Église, ce qu’il désire accomplir ; mais il trouve des obstacles que la mauvaise volonté met à l’accomplissement de ses devoirs ; il les accomplira, car l’accomplissement de la volonté de Dieu ne peut pas être arrêté pour toujours.
Cependant, ce n’est pas en théorie et par des écrits seulement qu’André Towianski fait l’Œuvre de Jésus-Christ, c’est surtout par sa vie tout entière, pleine de sacrifices chrétiens, dont nulle part je n’ai vu ni entendu un pareil exemple ; ce témoignage, je dois le lui rendre, et je le lui rendrai partout, pour être pur devant Dieu et devant mon prochain. Et celui qui apporte la parole vivante, qui apporte la pratique de la loi de Jésus-Christ dans la vie privée et publique de l’homme, qui, par son exemple, par sa vie, appelle l’homme actuel à embrasser avec amour la croix de Jésus-Christ, la voie du sacrifice, afin d’accomplir la volonté de Dieu, le Verbe de Dieu ; celui qui a introduit des infidèles et des dissidents dans l’Église catholique, faits accomplis dont j’ai été un des témoins, celui-là est accusé d’être contraire à l’Église catholique !… Le Seigneur défendra son Serviteur ; et, dans le temps, il demandera un compte sévère des jugements téméraires que le manque d’amour de Dieu et du prochain a fait répandre contre lui.
En présentant à Votre Grandeur ma position actuelle et mes sentiments, j’attendrai en toute humilité la parole de justice, tout en implorant la Miséricorde de Dieu pour moi.
Veuillez agréer, Monseigneur, mon amour filial et mon respect le plus profond, avec lesquels je suis, de Votre Grandeur,
Le plus humble et obéissant serviteur et fils en Notre Seigneur Jésus-Christ,
Édouard DUNSKI, prêtre du diocèse de Paris.
6. – RÉPONSE À M. ***, PRÊTRE FRANÇAIS.
1856, le 15 janvier. Paris.
Monsieur l’Abbé,
J’ai reçu votre lettre du 26 décembre ; je n’ai que quelques mots à vous répondre.
Par la doctrine morte, vous avez jugé l’Homme de Dieu et l’Œuvre de Dieu. Vous continuez le péché de ces chrétiens pour lesquels toute vie est dans la doctrine, dans les discussions, dans la polémique. Vous vous êtes reposé dans les lumières, sans sacrifice, sans prendre la croix qui vous ferait voir la vérité de ces lumières et leur application.
Je vous ai montré la mission de l’Homme de Dieu, en quoi elle consiste ; je vous ai montré le sacrifice qui est la base du christianisme ; c’est sur cette route seulement que nous pourrions nous entendre et nous unir. C’est dans le sacrifice accepté et pratiqué par l’homme que se trouve le triomphe de Jésus-Christ, l’accomplissement de la volonté de Dieu, le salut de l’homme ; c’est la route du chrétien, qui le mène à la vie, à la vérité, à l’union avec le Ciel. C’est à quoi nous appelle l’Homme de Dieu, Serviteur véritable de Jésus-Christ ; il nous appelle par sa parole, par sa vie, par son sacrifice vivant, actif, il nous appelle à prendre ce sacrifice pour accomplir la volonté de Dieu manifestée dans le Verbe de Dieu, il nous appelle à vivre de ce Verbe.
Ces appels sont pour vous des ténèbres, comme vous le dites dans votre lettre, et je vous dirai franchement que je ne connais pas et que je ne veux pas connaître d’autre lumière et d’autre route que celle que Jésus-Christ nous a montrée, la route sur laquelle Il nous appelle tous à le suivre dans ses sacrifices. Vous repoussez cette croix sous le prétexte de doctrines qui ne sont pas des doctrines pour nous, et que l’Homme de Dieu ne présente pas comme doctrines. Il faut prendre l’esprit, il faut prendre le sacrifice, l’humilité, l’amour, et le Ciel ne vous scandalisera pas. Mais vous fuyez la croix, vous ne voulez pas accepter la vie active, la vie pratique chrétienne.
Les lumières de votre prophète qui vous inondent vous éblouissent, vous ne savez qu’en faire, vous en abusez et vous tombez dans les détours ; votre lettre, qui se contredit elle-même, en est la preuve.
Les lumières sans le sacrifice, sans la croix de Jésus-Christ, vous mèneront à la perte de votre âme, je dois vous le dire.
Vous repoussez nos avertissements et nos services ; vos fruits vous feront voir un jour leur vérité.
Je vous recommande, M. l’Abbé, à la Miséricorde du Seigneur.
Votre serviteur en Jésus-Christ,
Édouard DUNSKI, prêtre.
7. – AU MÊME PRÊTRE.
1856, le 3 mars. Paris.
Mon cher confrère,
J’ai reçu votre seconde lettre du mois de janvier, à laquelle l’état de ma santé m’a empêché de répondre plus tôt. En ce moment même, je suis obligé d’employer la main d’un ami pour vous répondre.
Je sens de mon devoir de vous rappeler, cher confrère, les entretiens que nous avons eus pendant votre dernier séjour à Paris. Par suite de votre rencontre avec quelques-uns des amis et disciples d’André Towianski, vous vous êtes présenté chez moi dans le but de prendre des renseignements plus positifs sur l’Œuvre sainte qu’il fait et présente. J’ai cherché à répondre à votre demande en vous exprimant de vive voix mon sentiment sur la personne d’André Towianski et sur sa mission. Je vous ai ensuite communiqué plusieurs extraits des témoignages déposés par moi devant Monseigneur l’Archevêque de Paris et devant ses grands Vicaires, ainsi que divers témoignages d’autres personnes qui ont accepté l’appel que Dieu fait par cet organe. Je vous ai communiqué une lettre d’André Towianski lui-même, où il parle de sa mission et de ses devoirs, et vous avez pris copie de cette lettre.
Je vous ai exposé de plus mon action envers la magistrature de l’Église, quel désir et quel intérêt nous portons pour la servir et l’aider, quel respect et quelle vénération nous avons pour la pensée de Dieu qui repose sur elle, quels services André Towianski a rendus à ses frères serviteurs de l’Œuvre sainte, en leur montrant le devoir qu’ils ont à remplir envers la magistrature de l’Église de Jésus-Christ. À ce sujet, je vous ai manifesté mon opinion sur les écrits que vous publiez, sur le ton peu chrétien qui y règne, sur le manque de respect, d’amour et d’intérêt chrétien qui s’y fait sentir pour la position grave et difficile où se trouvent aujourd’hui les magistrats de l’Église.
Je vous ai exposé en quoi consiste le sacrifice chrétien, sacrifice vivant, réel, actif, qui réalise le Verbe de Dieu, la volonté de Dieu sur tous les champs de la vie de l’homme, et d’abord sur le champ le plus important pour un fils de l’Église. – Je vous ai fait voir comment nous cherchons à répondre dans la pratique à ce sacrifice, à accepter et à porter cette croix de Jésus-Christ sur le champ de tous nos devoirs. Vous avez reconnu que nous sommes sur la voie vraie ; vous m’avez dit ces paroles : « Vous êtes sur la voie, vous n’avez qu’à poursuivre » ; mais vous avez commencé à m’exposer les lumières que vous recevez par votre prophète, et de tout cela j’ai vu que vous n’avez pas compris le sacrifice vivant, réel, pratique, que vous ne vous êtes pas uni à cet appel, que vous n’avez pas cherché à approfondir, à sentir, à accepter cette voie unique de notre salut, par laquelle seulement on distingue la lumière vraie et on sent la mesure et le moyen de l’application de cette lumière. Je vous ai manifesté notre sentiment que ces lumières que vous avez sont jetées sur la terre sans le respect dû aux choses du Ciel, sans la crainte de Dieu, sans amour pour le prochain, sans humilité ; que ces révélations, ne pouvant pas être pratiquées par l’homme, ne font qu’augmenter le chaos dans lequel l’homme se trouve à cause de la surabondance de la lumière, qu’elles éloignent l’homme de la vie chrétienne pratique, de l’accomplissement de la loi de Jésus-Christ. – C’est pourquoi vos actions, qui manquent de pratique chrétienne, de sacrifice chrétien, ne peuvent être approuvées par nous. Vous m’avez confirmé dans ce sentiment dans les entretiens que vous avez eus avec moi et dans les lettres que vous m’avez adressées depuis, ainsi qu’à l’abbé ***.
Permettez, cher confrère, qu’après ces fruits déposés, je vous dise la vérité tout entière, telle que je la sens devant Dieu. Je me suis convaincu que vous ne portez aucune douleur sur l’état actuel de l’Église, que vous ne faites aucun effort pour améliorer cet état ; qu’au contraire vous paraissez triompher de cette misère profonde où est plongée l’humanité tout entière. Je me suis convaincu que vous parlez du sacrifice sans le sacrifice, de la charité sans le sentiment, sans le cœur chrétien, que reposant dans la doctrine morte, vous ne présentez que la forme de ces vertus chrétiennes. Dans vos lettres, vous condamnez le Serviteur de Jésus-Christ que vous ne connaissez pas ; vous condamnez sans amour, sans crainte de Dieu, ce que vous n’avez cherché à approfondir ni par le sacrifice chrétien ni même par la raison ; vous condamnez, et cependant vous avez approuvé ce que je vous ai exposé, vous vous êtes uni à notre désir, à notre tendance chrétienne, à notre but de connaître et d’accomplir dans son essence la loi de Jésus-Christ.
Vous avez reconnu que par André Towianski, Serviteur de Jésus-Christ, nous recevons la lumière que la Miséricorde de Dieu présente à l’homme pour faciliter son progrès. Vous avez reconnu que nous recevons cette lumière dans la crainte de Dieu, et non pour la jouissance de l’esprit, car nous croyons qu’il faudra rendre compte au tribunal de Dieu de l’emploi que nous aurons fait de ce don ; nous croyons que toute parole qui descend du Ciel, qui n’est pas accomplie, et qui est employée pour le plaisir de l’esprit, brûle l’esprit pendant les siècles ; nous croyons que dérober la lumière du Ciel par les élans de l’esprit, hors de la voie et du but montrés par Jésus-Christ, c’est un grand péché d’esprit. – Vous avez reconnu que, dans cet esprit de sacrifice chrétien, nous travaillons d’abord sur nous-mêmes pour être purs devant Dieu ; que dans ce même esprit, nous cherchons à servir le prochain pour nous unir avec lui en Jésus-Christ.
Et c’est dans cet esprit que j’ai cherché à vous servir, que dans mon amour pour vous j’ai cherché à vous donner les renseignements que vous m’avez demandés, à répondre aux questions que vous m’avez adressées. C’est pourquoi vous pouvez comprendre quelle douleur vous m’avez faite par vos lettres qui manquent de sentiment chrétien, dans lesquelles je ne vois que la mauvaise volonté et la doctrine que vous faites sur les choses saintes.
En déposant devant Dieu l’offense que vous faites à la vérité et à l’esprit du prochain, j’implore la Miséricorde de Dieu pour que la Grâce éveille votre esprit, vous éclaire sur votre détour et vous fasse connaître la route et la vérité chrétiennes.
Vous m’excuserez si, à l’avenir, en recevant des lettres semblables aux précédentes, je ne vous répondais plus ; veuillez croire que ce serait, non par manque d’amour chrétien, mais parce que je suis convaincu que sans le changement de votre disposition intérieure, mes réponses ne pourraient porter aucun fruit pour vous, ne serviraient qu’à ouvrir le champ à de nouveaux jugements sur les choses saintes. Veuillez croire a tout l’amour et l’intérêt chrétien que nous portons pour vous.
Je vous salue en Notre-Seigneur, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
8. – À M. L’ABBÉ ***, EN POLOGNE.
Traduction du polonais.
1856, le 15 mars. Paris.
Mon cher Abbé et frère en Jésus-Christ,
J’ai reçu votre lettre du 10 février dernier. Je vois avec joie, cher frère, que vous avez la bonne volonté, que vous aimez la vérité et que vous la cherchez, et j’en remercie la Miséricorde de Dieu. Je vois aussi que vous avez une certaine crainte au sujet de ma situation vis-à-vis de l’autorité de l’Église, je vois les difficultés que vous éprouvez pour connaître l’Œuvre de Dieu, à cause des jugements et des calomnies qui ont été jetés contre cette Œuvre et qui vous sont parvenus. À plusieurs égards, vous avez droit, cher frère, à un épanchement plus complet de ma part, aussi ai-je résolu de vous éclairer, ne fût-ce que très-sommairement, sur ce que je vois, ce que je sens, ce que j’éprouve sur moi-même, et ce qui est devenu la base de ma conviction et de mes actions.
André Towianski, ce fidèle Serviteur de Jésus-Christ, porte non-seulement l’amour et la vénération, comme je ne les ai vus dans personne, pour tout ce qui est conservé dans la doctrine et les formes de l’Église, pour ce que l’Église a amassé dans les siècles afin d’aider l’homme sur la voie de son salut, mais de plus, tout cela, il l’élève et le vivifie par son amour et son sacrifice, il l’élève sur la même base où l’Église est établie, sur l’amour et le sacrifice, cette essence du christianisme montrée et transmise par Jésus-Christ, sur la doctrine que l’Église a conservée, défendue et éclaircie. Ce Serviteur montre dans une lumière plus étendue et dans une plus grande application à la pratique cette essence du christianisme qui a été, est et sera pour l’homme, dans tous les siècles, l’unique moyen, l’unique force dans la voie de son salut. Il appelle à accepter cette essence et à la pratiquer dans toutes les voies de la vie privée et publique, et il le facilite à l’homme, non-seulement par ses paroles, mais aussi par son exemple, par toute sa vie, qui est le fruit de son amour et de son sacrifice. – En acceptant son service, l’homme sent s’éveiller en lui un plus grand amour pour Dieu, pour sa volonté, pour son Verbe ; il sent aussi un plus grand amour du progrès que le Verbe de Dieu a destiné à l’homme ; dans cet amour éveillé, il sent qu’il ne connaît pas et n’accomplit pas tout, comme il lui semblait auparavant, il voit le degré sur lequel il est aujourd’hui, il voit la hauteur à laquelle le Verbe de Dieu lui a destiné de s’élever ; il voit aussi cet appel au progrès ultérieur que Dieu fait aujourd’hui à l’homme, il voit que ce progrès est la condition de son salut, qu’il s’accorde avec sa foi, avec tout ce que l’Église enseigne et, voyant tout cela, il remercie la Miséricorde de Dieu qui, dans des moments si pénibles pour l’homme, lui envoie cette aide extraordinaire.
En sentant, en voyant ct en éprouvant sur moi-même cette Miséricorde de Dieu, puis-je supposer même que l’Église la repousserait, qu’elle repousserait le service qui lui serait rendu dans l’amour et le sacrifice chrétien, qu’elle repousserait son serviteur le plus fidèle, et prononcerait ce jugement, que celui qui a amené à l’amour et à l’adoration vraie de Dieu beaucoup de ceux qui ne croyaient même pas en Dieu, qui les a fait entrer dans l’Église, non-seulement dans la forme, mais aussi dans l’essence, est lui-même hérétique, sectaire, renverse l’Église qu’il sert avec tant de zèle, dont il désire et cherche uniquement la gloire et le triomphe ? Peut-on dire qu’il ruine et renverse la maison, le serviteur qui, suivant la volonté et le plan de son maître, non-seulement y répare certains dégâts et la consolide, mais l’exhausse encore d’un étage et donne par là à cette maison une valeur et une splendeur nouvelles ? Suis-je donc coupable envers l’Église si tout ce que j’ai reçu de la doctrine de l’Église, je l’ai vivifié par l’amour et le sacrifice que j’ai connu et aimé davantage, que j’ai commencé à pratiquer avec plus de zèle ? Suis-je donc coupable si j’ai connu et aimé davantage Jésus-Christ, si j’ai mieux vu le but de l’homme, la voie de son progrès, de son salut, et si j’ai éveillé en moi un plus grand désir de suivre cette voie ? L’Église peut-elle interdire ce qui élève l’amour de l’homme pour Dieu et le prochain, l’amour pour tout ce qui est dans l’Église, pour tout ce qui constitue son essence ? Cet amour élevé et pratiqué dans la vie est-il donc une protestation contre l’Église, peut-il inspirer à qui que ce soit la crainte d’un schisme et d’une hérésie ? L’Église peut-elle enchaîner l’amour et l’adoration dus à Dieu, à sa volonté, à son Verbe ? Peut-elle arrêter le salut, le progrès destiné par le Verbe de Dieu, arrêter la Miséricorde de Dieu qui descend sur la terre pour le progrès, pour le salut de l’homme ? C’est cependant le devoir du chrétien d’allumer la lampe de l’Évangile et d’attendre l’arrivée de l’Époux, c’est-à-dire d’être prêt à tout appel que Jésus-Christ, gouvernant le monde jusqu’à la fin du monde, peut faire par des instruments qu’il lui plaira d’employer. Serais-je fidèle à Jésus-Christ si, en m’arrêtant sur ce degré de la voie chrétienne que je connais, je rejetais les degrés ultérieurs de cette voie, si je rejetais l’appel que Jésus-Christ fait aujourd’hui pour le progrès ultérieur, pour que le degré supérieur de la voie chrétienne soit accepté ? Serais-je fidèle à l’Église si je repoussais ce progrès par lequel s’élève l’Église, si je repoussais cette aide que Jésus-Christ envoie aujourd’hui pour le progrès, pour l’élévation de son Église ? Serais-je fidèle à l’Église si, acceptant moi-même cet appel et voyant plusieurs y répondre, je n’en témoignais pas devant les magistrats de l’Église et ne les avertissais pas des efforts que le mal fait sous la forme du zèle envers l’Église, pour juger, condamner et repousser ce que Jésus-Christ fait dans ces jours pour l’élévation de son Église ?
Jésus-Christ, son Église et cette Œuvre qui élève l’Église sont devenus pour moi l’unité chrétienne indivisible ; dans le triomphe de Jésus-Christ et de son Église par son Œuvre, je vois tout, car je vois que ce triomphe amènera le salut, donnera la vie et la liberté à moi, à mon prochain et à ma patrie, et ainsi, en témoignant de l’Œuvre de Dieu, je paye ma dette de fidélité à Jésus-Christ et à son Église ; en témoignant, je ne me pose pas comme enseignant l’Église, mais comme fils et serviteur fidèle de l’Église ; dans ce caractère de serviteur fidèle, je vous répète, mon cher frère, ce dont je vous ai déjà fait mention dans ma précédente lettre. Vous avez connu les défauts de ma jeunesse, peut-être n’en suis-je pas encore tout à fait libre à présent, repoussez donc tout ce qui a pu et peut venir de moi-même, de l’homme, de mon corps, de mon péché, ce que je déteste et condamne moi-même ; mais acceptez et gardez en vous ce que la Grâce de Dieu daigne vous donner par moi, son indigne instrument ; acceptez l’appel que Dieu fait à l’homme dans son Œuvre, afin que l’homme soit sauvé temporellement et éternellement ; acceptez les secours que Dieu envoie pour aider l’homme à répondre à son appel : ceci vient de Dieu et non de moi, et chacun en rendra compte devant Dieu.
Vous me demandez, mon cher frère, au sujet de la Biesiada, comment il faut la considérer, pourquoi c’est le seul des écrits d’André Towianski qui ait été publié ; vous me dites que la brochure de l’abbé *** sur la Biesiada détourne plusieurs personnes de notre pays d’accepter l’Œuvre de Dieu ; vous me dites que l’acte par lequel M. *** s’est déclaré serf d’André Towianski scandalise chez vous beaucoup de monde. Je sens qu’il est de mon devoir de vous donner des éclaircissements sur ces matières, en vous disant comment je les vois et les sens moi-même.
– Et d’abord, quant à la Biesiada, avant qu’André Towianski eût commencé de servir l’émigration en 1844, accomplissant la volonté de Dieu, il servait déjà depuis plusieurs années, depuis 1834, notre compatriote, le général ***. Le but de ce service était de lui faire connaître, de lui éclaircir la mission, la pensée de Dieu qui reposait sur lui pour qu’il devînt le chef chrétien de la Pologne dans la voie à laquelle la Pologne est appelée dans cette Époque. Lorsqu’en 1841 le Serviteur de Dieu eut accompli ce service, il le termina par un banquet fait dans l’union fraternelle, désirant manifester en quelque sorte extérieurement par cet acte sur la terre ce qui s’était accompli en esprit devant Dieu, et c’est de là que vient ce titre Biesiada (le Banquet). Quelques moments avant ce banquet, le Serviteur de Dieu écrivit une note pour s’aider lui-même dans cet acte, et c’était une esquisse très-générale de ce qu’il avait amplement éclairci pendant des années. Cette note que le Serviteur de Dieu n’eut pas même le temps de relire, l’heure du banquet étant arrivée, il n’avait pas l’intention de la remettre au général *** ; mais sur le désir de celui-ci, il la lui confia momentanément, étant loin de supposer même que cette note pût être communiquée à qui que ce fût. C’est de cette note que l’on s’est servi pour juger et condamner le Serviteur de Dieu, et ce qui est pis encore, pour rejeter ce que ce Serviteur transmet à l’homme d’après la volonté de Dieu. Tandis que le Serviteur de Dieu ne publiait rien, désirant d’abord rendre compte de sa mission au Saint-Père, voilà que tout à coup, sans sa volonté et à son insu, on publia cette note d’abord par une autographie, puis par l’impression, on la publia sans mentionner par qui cette publication était faite, on la publia donc comme son œuvre, et de plus avec des fautes qui, dans quelques endroits, arrivent jusqu’à des contre-sens ; enfin on la traduisit et on la publia en latin et en français. Par ce fait on a violé envers le Serviteur de Dieu toutes les lois, non-seulement chrétiennes, mais même terrestres, et on a commis une grande offense envers Dieu, on a fait un grand tort au prochain en jetant dans le monde, sans la gradation et les éclaircissements nécessaires, les vérités chrétiennes destinées pour cette Époque ; par là l’homme, n’étant pas éclairé sur la chose et étant seulement frappé par la forme insolite et les erreurs commises dans la publication, est fortement tenté de juger le Serviteur de Dieu et de rejeter ce qu’il présente, et cela, non d’après ce qu’il présente réellement selon le devoir de sa mission, mais d’après ce qu’il ne présente pas du tout. Aussitôt après, sont venues des persécutions et des calomnies de tout genre, répandues dans les écrits publics, tant contre l’Œuvre même que contre son Serviteur. Mais ce n’est pas tout : on soumit cette note à une analyse sans amour et sans crainte de Dieu, on en tira des pensées, des phrases auxquelles on attribua un sens contraire à leur vraie signification, et à force de raisonnements, de conclusions, de conjectures, on en créa un certain tout, un système, certains principes qu’on attribua au Serviteur de Dieu, et qui sont le plus contraires à ses principes chrétiens, à ses sentiments et à sa tendance. Et en cela, on poussa si loin l’injustice envers le Serviteur de Dieu qu’on l’a présenté publiquement comme un hérétique, un sectaire, qui renverse l’Église de Jésus-Christ, qui renverse toutes les institutions religieuses et sociales. Plusieurs personnes, s’appuyant sur ce jugement, rejettent la réclamation et l’appel que Dieu fait aujourd’hui à l’homme dans son Œuvre, et justifient leur péché par ce jugement.
Vous me demandez si je connais l’auteur de la brochure, l’abbé ***, et comment il se fait qu’étant à Paris, je ne me sois pas opposé à sa publication, je n’aie pas éclairé l’auteur sur ce qu’il faisait. – Je connais l’abbé *** depuis plus de vingt ans, nous avons vécu ensemble, nous nous sommes préparés ensemble à notre vocation ; je connaissais sa brochure avant qu’elle fût publiée, et quelques années avant sa publication, je connaissais la première base de cette brochure, car l’abbé ***, avant de voir le Serviteur de Dieu, avait créé en lui-même sur la Biesiada un système qu’il présentait comme l’enseignement du Serviteur de Dieu, et qu’il a joint ensuite à la brochure sous le titre de Table comparative. Il portait en lui ce jugement lorsqu’il a vu le Serviteur de Dieu, et il est naturel que dans cet état il n’ait pu rien accepter de lui. Depuis ce moment, il s’est déjà tellement embarrassé dans les difficultés, dans les chaînes dont il a lui-même chargé son esprit, que malgré toutes les preuves démontrant que l’Œuvre qui se fait aujourd’hui est l’Œuvre de Dieu, malgré tous les exemples d’impies qui ont été convertis et d’opiniâtres ramenés à l’Église par le Serviteur de Dieu, ce prêtre n’a rien voulu voir que ce qu’il a créé lui-même contre le Serviteur de Dieu. Cependant, accomplissant mon devoir chrétien, je lui ai donné des avertissements, et peu de temps avant la publication de sa brochure, je lui ai cité des preuves contraires au système qu’il a créé, et enfin, pour être pur devant Dieu et devant mon prochain, je lui ai transmis mes avertissements par écrit. J’ai désiré de toute mon âme prévenir ce scandale, afin que ne vienne pas d’un prêtre d’une nation appelée l’exemple de la mauvaise volonté, du jugement et du rejet de la chose de Dieu. Mais il n’a pas été au pouvoir de l’homme d’arrêter le mauvais fruit du prochain, du moment que le prochain s’était soumis au mal. Celui qui s’est une fois tourné contre la chose de Dieu ne cherche plus pour calmer sa conscience que ce qui peut confirmer son action ; celui-là regarde le triomphe de la chose de Dieu comme son propre abaissement, et le triomphe du faux comme son propre triomphe. Lorsque l’abbé *** eut publié sa brochure, je fus obligé par mon devoir de prêtre de lui reprocher ce fruit de sa mauvaise volonté ; je vous enverrai à l’occasion la copie des deux lettres que je lui ai adressées. Ayant fait de mon côté ce que me commandait l’amour du prochain, je n’insistai pas davantage, et je ne cesse de porter dans mon âme la douleur sur les effets que produit cette brochure. Plus d’un, éveillés par la Grâce à accepter l’Œuvre de Dieu, au lieu de travailler dans cette voie, ce qui demande le labeur intérieur, le sacrifice, s’unissent au jugement tout fait qui dispense, au moins momentanément, d’accepter la volonté de Dieu.
Serviteurs de l’Œuvre de Dieu, nous sentons que le moment n’est pas encore venu de défendre publiquement la vérité, que pour obtenir dans l’avenir un triomphe plus grand, la vérité doit souffrir la persécution jusqu’à ce que la mauvaise volonté, qui se couvre aujourd’hui plus que jamais de la forme du zèle chrétien, produise ses fruits, et par ses fruits se montre ce qu’elle est en réalité. Nous avons dans la Miséricorde de Dieu la plus grande confiance que la vérité triomphera bientôt, et que, comme le soleil, elle dissipera en un moment les nuages des mensonges accumulés par la mauvaise volonté.
– Maintenant, quant à l’acte de M. ***, peut-on juger d’après cet acte le Serviteur de Dieu, le juger sans savoir si cet acte a été fait lui le sachant ? – Le Serviteur de Dieu appelant son prochain à l’accomplissement de la volonté de Dieu cherche en cela l’union du prochain, et hors de cette union, ne demande rien du prochain : ici point d’engagement envers l’homme, point d’autorité de la part de l’homme, point de soumission à l’homme. Toute union avec lui de la part du prochain dans la voie du salut, le Serviteur de Dieu la considère non-seulement comme la plus grande récompense de ses travaux, de ses sacrifices, mais encore il s’en croit être obligé à la plus grande reconnaissance, comme si c’était un bien personnel fait à lui-même, et j’ai vu bien des preuves de ce grand amour chrétien. – Tout cela, je l’espère, vous prouvera combien il est loin du désir de posséder des serfs ! Quant à la personne de M. ***, je l’ai connu personnellement : homme vif et exalté, égaré jadis dans les voies du monde, et rappelé à la voie chrétienne par le Serviteur de Dieu, M. ***, dans le mouvement de son exaltation, a fait cet acte de soumission ; il l’a fait dans la forme qui lui a paru la plus humble, poussé par son esprit à dompter son caractère orgueilleux qu’il a reconnu comme la source de ses détours ; il l’a fait à l’égard du Serviteur de Dieu, comme à l’organe par lequel la vérité, la voie chrétienne lui ont été montrées. Il a donc énoncé à sa manière les effets des grâces qu’il avait obtenues par cet organe. Voilà, mon frère, l’explication simple de cet acte. Si un homme dur et orgueilleux, après avoir renoncé aux grandeurs du monde, avait revêtu l’habit d’un pauvre moine, il aurait trouvé l’admiration générale parmi les chrétiens, tandis que l’acte de M. ***, fruit du même mouvement, scandalise à cause de sa forme l’homme qui ne voit pas le sentiment, l’intention, le fond de l’âme de son prochain. Je l’avoue, l’acte de M. ***, pris froidement, est une extravagance. J’ajoute que le Serviteur de Dieu se trouvait en Suisse lorsque M. *** a fait son acte à Paris ; il ne pouvait donc, en aucune manière, empêcher cet acte ; j’ajoute qu’après la publication de cet acte, le Serviteur de Dieu, tout en respectant l’intention de M. ***, lui a fait sentir son tort et le scandale qui pouvait en résulter.
Il m’est pénible d’apprendre par votre lettre que, outre les persécutions que l’Œuvre de Dieu souffre ici, il y a déjà aussi dans notre pays des personnes qui s’unissent au jugement des persécuteurs et les considèrent comme des défenseurs de l’Église ; qui, scrutant les choses de Dieu par la seule raison, les mesurant par la seule mesure terrestre, assignent des limites à la Miséricorde de Dieu, et prononcent ce jugement que la Miséricorde de Dieu ne peut se donner à l’homme que dans les formes et par les moyens connus jusqu’à présent de l’homme. Quant à moi, j’ai cette foi profonde que Dieu peut agir par les moyens et par les organes qu’il lui plaît de choisir ; et cette foi dans la toute-puissance de Dieu devrait empêcher nos frères de juger et d’arrêter la Miséricorde de Dieu.
J’ai passé moi-même par cette suite de difficultés que rencontre aujourd’hui tout homme, et d’autant plus un magistrat de l’Église, et j’ai éprouvé sur moi-même que c’est la crainte de Dieu et la foi en la toute-puissance divine qui m’ont conduit à chercher la vérité dans la prière devant Dieu, qui m’ont préservé du jugement contre l’Œuvre et m’ont amené à accepter la Miséricorde de Dieu. Je vois également avec douleur les causes de mon retard à accepter ce bien ; c’étaient de ma part les considérations humaines et le manque de liberté chrétienne, que je n’avais pas vaincus au commencement par mon amour et mon sacrifice. Malgré cela, depuis que le Serviteur de Dieu a paru au milieu de nous, j’avertissais tous ceux qui acceptaient un jugement définitif, j’avertissais encore plus les frères avec lesquels j’étais alors lié de plus près dans l’exil, de même que je vous ai averti depuis longtemps, mon frère. Après avoir accepté le jugement contre la vérité, l’homme devient persécuteur de la vérité, car le mal, une fois accepté dans l’esprit, pousse l’homme à des fruits qu’il n’est plus au pouvoir de l’homme d’arrêter. Il est facile de préjuger et de repousser la vérité, il est difficile de la connaître et de l’accomplir ; l’homme s’illusionne à son grand détriment, lorsque par la forme de sa fidélité à l’Église, il couvre son infidélité envers l’Église, sa mauvaise volonté, son manque d’amour et de sacrifice. Au nom de son Église, Israël a crucifié Jésus-Christ ; que de chrétiens, au nom de l’Église de Jésus-Christ, crucifient l’Esprit de Jésus-Christ, renversent son Église !
Aimez, mes frères, et vénérez l’Église, car c’est le Royaume de Dieu, c’est notre patrie sur la terre, et en déposant le fruit de cet amour et de cette vénération, acceptez cette Miséricorde de Dieu qui dans ces jours élève l’Église, et par cette élévation, veut sauver l’homme temporellement et éternellement. Ayant des témoignages et des faits si nombreux qui prouvent que quelque chose de supérieur et d’inconnu jusqu’à présent à l’homme se fait dans l’Œuvre de la Miséricorde de Dieu, repoussez les tentatives que fait le mal pour arrêter cette Œuvre. Accomplissant ce qui vous est connu et craignant de préjuger ce qui vous est inconnu, espérez de Dieu qu’en son temps vous verrez clair. Dieu seul donne la lumière, mais c’est à l’homme de prier et de chercher la lumière, de se mettre dans les conditions nécessaires pour recevoir cette aide de Dieu ; c’est le fruit de l’amour et de la liberté chrétienne de l’homme.
Dieu appelle l’homme dans ces jours et donne des secours extraordinaires pour répondre à cet appel. L’homme est libre d’accepter ou de repousser cette Miséricorde de Dieu, mais il ne dépend point de sa volonté d’arrêter sur la terre l’accomplissement de la Volonté de Dieu, d’arrêter les conséquences du rejet de la Volonté de Dieu. Dans la sécheresse, dans les tourments de l’esprit et de l’homme, au milieu de difficultés plus grandes, l’homme devra accomplir ce qui lui est destiné : tu repousses l’appel de Dieu et le secours pour y répondre, accomplis sans secours ce que tu dois. Après le rejet de la Grâce, la force de Dieu pousse l’homme, et c’est la source de toutes ses souffrances, de sa misère. Ainsi l’homme se punit lui-même, et la Volonté de Dieu, le Verbe de Dieu s’accomplit : « Le Ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point », a dit Jésus-Christ.
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Je vous salue et vous embrasse de tout mon cœur, respectable et cher Frère, priant Dieu que, par sa Miséricorde, Il fortifie votre bonne volonté et l’amène aux fruits pour votre salut et celui de notre patrie.
Votre frère en Notre Seigneur Jésus-Christ,
Édouard DUNSKI, prêtre.
9. – L’abbé Dunski a souvent écrit aux Serviteurs de l’Œuvre de Dieu individuellement ; je ne publie que les trois lettres suivantes, traduites du polonais, les seules qu’il ait adressées en général à ceux qui demeurent à Paris.
1851, le 14 mai. Zurich.
Chers frères français et polonais,
Les lettres que j’ai reçues de plusieurs frères témoignant du profit tiré par vous du service qui vous été rendu par les notes sur la pénitence, témoignant en même temps de la vie chrétienne qui se manifeste au milieu de vous, sont un motif pour le nouveau service que je vous présente suivant ce que Dieu permet en ce moment.
Profitant des services que l’Homme de Dieu rend actuellement aux frères présents ici, eu égard à vos besoins, mes chers frères, je vous communique ces services par les notes qui en ont été recueillies sur l’union fraternelle chrétienne, sur l’entretien chrétien, et sur l’union fraternelle chrétienne et conjugale, espérant en la Grâce de Dieu et en votre bonne volonté que vous en tirerez profit.
Préparés dans les jours du Carême et du Jubilé, purifiés par le sacrement de la pénitence, fortifiés par le très-saint Sacrement du Corps et du Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les jours de la Résurrection du Seigneur, nous devons conserver, élever la vie reçue, ne pas interrompre par le péché et par la mort d’esprit qui s’ensuit la Communion faite avec Jésus-Christ ; maintenons cette vie par notre sacrifice plein, par l’épanchement fraternel, par l’union fraternelle, nourrissant en nous-mêmes et dans nos frères l’étincelle de l’amour, afin que le Verbe de Dieu accepté dans l’esprit vive en nous et par nous, ainsi que la volonté de Dieu l’a destiné pour l’élévation de l’esprit et de l’homme, pour la gloire de Dieu, pour notre salut.
Je vous recommande à la Grèce de Dieu, à la protection et au secours de la très-sainte Vierge, afin que dans ce mois de grâces consacré à son culte, vous marchiez avec son aide dans la voie des sacrifices chrétiens, vous viviez par le Verbe de Dieu, vous étendiez par la pratique le Verbe de Dieu sur la terre. C’est ce que je souhaite à vous et à moi-même, en vous saluant dans l’amour de Jésus-Christ.
Votre frère et serviteur,
Édouard DUNSKI, prêtre.
1851, le 10 décembre. Cassis.
Frères bien-aimés,
Je rends grâces à Dieu et je vous remercie aussi, mes frères, des sentiments chrétiens que vous m’exprimez, de l’obole de la veuve dont vous m’assistez. Je me réjouis de toute mon âme des travaux et des efforts que vous ne cessez de faire pour votre progrès chrétien ; je vous remercie aussi de cette union fraternelle que vous ne cessez de me prouver comme à un prêtre, comme à votre frère et à votre serviteur. Je demande à Dieu tous les jours que, me tenant dans l’humilité et la pureté intérieure devant le Seigneur, dans l’amour envers vous, je puisse être l’organe de la Grâce de Dieu pour vous, mes chers frères.
Répondant à votre sentiment et à votre désir, j’offrirai la sainte Messe en notre intention commune le 15 décembre, octave de la fête de l’Immaculée Conception de la très-sainte Vierge Marie. Demandons tous à Dieu que les détours de l’homme actuel cessent, que la Miséricorde de Dieu soit connue et acceptée par l’homme, que le nom du Seigneur soit sanctifié par l’acceptation et l’accomplissement de la Volonté de Dieu. Prions Dieu que nous soyons de fidèles serviteurs de l’Œuvre de Dieu, de fidèles serviteurs de Jésus-Christ, rangés sous son étendard et portant la croix qui nous est destinée, croix transmise à l’homme par le sacrifice du Sauveur ; et si nous portons cette croix, nous serons libres de tant d’autres qui ne sont pas destinées par le meilleur Père.
Afin de nous préparer en même temps à célébrer la fête de la Naissance de Notre-Seigneur, de l’Incarnation du Verbe de Dieu, de l’union du Verbe à la nature humaine, afin de maintenir en nous et pratiquer dans notre vie les sentiments et les désirs que nous élevons au trône de Dieu, je vous appelle, mes chers frères, à faire une neuvaine qui, commençant le 15, finirait le jour de la Naissance du Seigneur.
Purifions notre intérieur par le sacrement de la pénitence, préparons-nous dans l’esprit et dans l’homme à recevoir dignement le Corps et le Sang du Seigneur, à accepter en nous le Verbe de Dieu ; fortifions-nous pour pratiquer la vie du Verbe de Dieu dans toutes les voies de notre vie. En cela nous répondrons aussi à l’appel de l’autorité suprême de l’Église, qui proclame un nouveau Jubilé afin d’implorer la Miséricorde de Dieu pour qu’Elle détourne les calamités qui pèsent actuellement sur l’homme. Je présente à votre amour fraternel ce souhait et cet appel, en vous adressant mes salutations fraternelles.
Votre frère et serviteur,
Édouard DUNSKI, prêtre.
1853, le 26 novembre. Fontainebleau.
Mes chers frères,
Je vous informe que j’ai le désir d’arriver à Paris pour l’anniversaire du 29 novembre. Nous nous unirons dans la prière avec nos compatriotes à l’Église de l’Assomption, chez les prêtres polonais. – Le 30 novembre, jour de Saint-André, Apôtre des Slaves et saint Patron de l’Homme de Dieu, fête double pour nous, nous nous réunirons à la sainte Messe, à neuf heures, dans l’église de Saint-Séverin.
Supplions Dieu et notre Reine de conserver les jours précieux de l’Homme de Dieu ; que les services qu’il rend à l’homme soient appréciés, que la Volonté de Dieu qui se manifeste par lui soit acceptée et accomplie par l’homme, afin que, après ces jours de misère, de chaos et de ténèbres, brille pour le monde le jour de joie, le jour de la vie du Verbe de Dieu sur la terre.
Recommandons-nous nous-mêmes, serviteurs de l’Œuvre de Dieu, implorons le secours d’en haut pour que nos actions témoignent que le Verbe de Dieu peut vivre par l’homme, que la loi de Jésus-Christ peut être pratiquée sur tous les champs de la vie de l’homme. Recommandons nos compatriotes, nos compagnons d’exil, appelés comme nous par la volonté de Dieu, afin que leurs détours cessent par suite de l’acceptation et de l’accomplissement de la volonté divine. Recommandons nos patries, toute l’Église de Jésus-Christ, les autorités de l’Église auxquelles sont confiées par Jésus-Christ pour les siècles la garde et l’extension du Verbe de Dieu. Avec ces souhaits, je vous adresse, chers frères, mes salutations, etc.
Édouard DUNSKI, prêtre.
10. – L’abbé Dunski écrivait souvent au Serviteur de Dieu en lui ouvrant son intérieur, en lui faisant part de ses actions dans l’Œuvre de Dieu, en lui demandant conseil dans diverses circonstances ; ces lettres, il les écrivait de sa propre main, en en gardant, selon son habitude, des copies dans ses papiers, et lorsque l’état de sa santé ne le lui a plus permis, c’est par moi que, jusqu’à sa mort, il transmettait ses pensées et ses sentiments. J’insère ici ses dernières lettres, traduites du polonais, comme preuve de l’union en Jésus-Christ qu’il a constamment maintenue avec le Serviteur de Jésus-Christ, et des sentiments qu’il a conservés pour lui.
1855, le 38 novembre. Paris.
Père et Maître bien-aimé,
Le jour de votre fête, ce serait une offrande bien consolante pour vous, si, étant dans une vie chrétienne plus grande, plus pleine, nous pouvions montrer les fruits de cette vie et mériter ainsi devant Dieu le nom de vos frères, compagnons de votre mission et du service que la Miséricorde de Dieu fait par vous pour le progrès et le salut de l’homme, pour la gloire du Seigneur.
Nous persévérons dans nos aspirations, nos tendances vers ce but et nos efforts devant Dieu ; nous ne cessons pas le travail chrétien sur nous-mêmes et sur le champ de notre service, afin que, dans la fraternité qui nous est destinée, nous puissions occuper la poste où vous nous appelez, mon Maître, selon la pensée et la disposition de Dieu.
De même que nous avons accepté avec amour cette parcelle de la croix de Notre-Seigneur que la Volonté de Dieu nous a transmise, avec le même amour, nous appelons chaque frère à ce qu’il accepte cette croix, dans laquelle nous trouvons notre vie, notre bonheur et notre salut. Nous vous assurons, Maître et Père, que nous persévérerons dans notre travail chrétien, que nous profiterons de tant de Grâces divines que nous avons reçues, et tâcherons par là de mériter les secours ultérieurs que la Miséricorde de Dieu nous transmet par vous.
Acceptez en même temps, notre Père bien-aimé, l’assurance de notre reconnaissance et de notre amour pour le labeur et les sacrifices par lesquels vous nous tirez des détours, vous nous relevez de nos chutes, vous encouragez notre bonne volonté en nous montrant la direction du salut.
Nous prions Dieu qu’Il prolonge vos jours, ô Père, pour notre exemple et notre secours, pour le secours de la Chrétienté actuelle, afin que vous puissiez voir le Verbe de Dieu s’accomplissant et vivant par l’homme, comme Il a vécu par Jésus-Christ, comme selon la pensée de Dieu, il vit par vous, mon Maître, dans la partie destinée.
Dans notre plein amour, nous embrassons vos mains, notre cher Père et Maître.
Votre frère en Jésus-Christ,
Édouard DUNSKI, prêtre.
1856, le 18 janvier. Paris.
Père et Maître bien-aimé,
Nous vous remercions du fond de l’âme de vos souhaits, de votre prière pour nous. Chacune de vos paroles est tombée au fond de notre esprit, et, avec l’aide de la Grâce de Dieu, elle y germera et produira ses fruits. Oui, mon Maître, les paroles de votre lettre sont pour nous un programme pour cette année que nous avons commencée avec la Grâce de Dieu, dans cette tendance, dans ce désir, dans ces espérances, que la Grâce de Dieu aidera nos efforts, réunira en un foyer nos étincelles éparses, les embrasera en un feu sacré. Rallumer ce feu, le nourrir, dans ce feu accomplir les devoirs de notre service, par ce feu étouffer et vaincre tous les feux impurs de la terre et de l’enfer, telle est aujourd’hui notre tâche, c’est vers ce but que se dirigent tous nos travaux, c’est l’objet de nos efforts dans nos services et dans nos entretiens fraternels. Nous sentons profondément que dans ce sacrifice, dans ce ton, dans ce feu, est notre force, notre progrès, l’accomplissement de nos devoirs de serviteurs de l’Œuvre sainte, le service au prochain et à la patrie, l’accomplissement de la Volonté de Dieu.
En cultivant actuellement notre petit champ, nous ne perdons pas de vue le champ plus vaste que Dieu peut nous ouvrir pour y servir le prochain et la patrie. Le mouvement éveillé par la terre pousse l’homme de plus en plus aux fruits, le prépare à chercher, à connaître et à accepter la Volonté de Dieu.
Oui, mon Maître, avec la certitude que nous accomplissons la Volonté de Dieu, nous espérons, dans le labeur et la patience, pleins de confiance en Dieu, qu’Il aidera nos faibles forces, qu’Il appuiera nos efforts par son bras puissant quand Il le voudra, quand le jour du Seigneur sera venu. Nous redoublons de vigilance pour que, à cause de la Grâce de Dieu qui découle sur nous, nous ne nous endormions pas, pour que ces secours que la Miséricorde de Dieu nous accorde dans ces temps ne tournent pas à notre détriment.
Acceptez, Père bien-aimé, nos remerciements pour vos paroles d’amour, d’encouragement, de souhait, d’espérance. Nous désirons et nous vous promettons de nous efforcer sans cesse pour répondre à votre sentiment, à votre appel, à vos espérances, pour occuper fidèlement notre poste comme serviteurs de l’Œuvre, comme compagnons de votre service et de votre mission, ô notre Père et Maître !
Nous embrassons fraternellement vos mains et vos pieds.
Votre frère en Jésus-Christ et votre compagnon dans le service à Dieu,
Édouard DUNSKI, prêtre.
1856, le 16 avril. Paris.
Mon Père et Maître bien-aimé,
J’ai reçu votre dernière lettre dans la matinée du jour même de la Résurrection de Notre-Seigneur. Vos paroles, renfermées dans cette lettre, ont contribué beaucoup à notre joie vraiment chrétienne, nous ont aidés à célébrer ce jour par une vie plus élevée. J’ai remercié et je remercie Dieu pour toutes les Grâces que Sa Miséricorde verse sur nous par vous, notre bien-aimé Père. Ce que je demande à Dieu dans mes prières, ce que je cherche uniquement, c’est de répondre fidèlement au poste de Serviteur de l’Œuvre, comme prêtre dans l’Église de Jésus-Christ ; c’est de rendre témoignage à la vérité que je sens et porte dans mon âme ; c’est, selon le devoir de ma position, de rendre à l’Autorité ce qui est dû à l’Autorité, et à Dieu ce qui est dû à Dieu. J’ai la confiance que ce sentiment, porté constamment dans mon esprit, me deviendra par la Grâce de Dieu et avec votre aide, mon Père bien-aimé, de plus en plus clair, et que, à mesure que le champ s’en ouvrira, la Grâce de Dieu m’aidera à le produire dans l’application, à concilier la liberté avec la soumission chrétienne. Je persévérerai dans ce travail, je tâcherai d’amener ce sentiment à l’action, je porterai en moi l’action, et en laissant à Dieu le succès ou l’insuccès de mes témoignages, des travaux et des sacrifices que j’ai accomplis jusqu’à présent, je prie Dieu d’être prêt à accepter toute difficulté, toute adversité, d’être prêt pour le pis, et que, selon que Dieu me fait sentir ce devoir, j’y reste fidèle dans l’action. Être prêt à tout donne la liberté chrétienne devant Dieu et devant le prochain, je le sens profondément et je l’ai éprouvé déjà bien des fois.
C’est avec une véritable joie que je dois témoigner devant vous, cher Père, du progrès chrétien des frères, du fruit que Dieu nous fait voir après les travaux, les sacrifices dont ils ont été l’objet. Plusieurs frères ont commencé dans ce temps un travail chrétien profond, et j’ai la confiance en Dieu qu’ils continueront ce travail avec un fruit de plus en plus grand.
Je vous salue et vous embrasse les mains, mon bien-aimé Maître et Père, avec tout mon sentiment. Que Dieu bénisse vos travaux et les nôtres !
Votre frère en Jésus-Christ,
Édouard DUNSKI, prêtre.
1856, le 30 décembre. Paris.
Père et Maître bien-aimé,
En remerciant Dieu pour ses Grâces que nous recevons par vous, nous renouvelons devant Dieu, pour honorer l’anniversaire de votre naissance, nos souhaits, afin que vous puissiez, Ô notre Père bien-aimé, voir au plus tôt le Verbe de Dieu vivant et s’accomplissant par l’homme ; que de votre vivant encore, vous éprouviez la joie de voir votre Mission honorée et acceptée par des millions d’hommes, comme elle est honorée et acceptée par le petit nombre des serviteurs, premiers appelés, de l’Œuvre de Dieu.
Nous sentons de plus en plus vivement et profondément nos devoirs comme serviteurs de l’Œuvre de Dieu. Le champ de service qui s’ouvre nous éveille de plus en plus au travail chrétien, à la vigilance, à la vie, au progrès sur la voie chrétienne éclaircie et pratiquée par vous, mon Maître. Nous sentons profondément que c’est seulement le sacrifice vivant, se réalisant, le feu de cette Époque chrétienne supérieure, nourri et manifesté, qui nous feront serviteurs de l’Œuvre, compagnons de la mission que Dieu vous a confiée. Par la Grâce de Dieu, nos désirs et nos efforts vivent déjà en partie dans la pratique, et cette vie supérieure commencée se nourrit et s’étend sur les principaux points de notre champ. Nous manifestons cela devant vous dans notre joie d’esprit et d’homme, dans notre reconnaissance augmentée envers Dieu et envers vous, notre Père, pour vos services et vos sacrifices ; nous manifestons aussi nos résolutions de n’abandonner jamais cette voie de l’amour véritable, cette croix de Notre-Seigneur, de n’interrompre jamais cette vie au milieu des adversités qui nous attaquent. L’intérêt de Dieu, l’intérêt de la vérité nourri et manifesté, la haine du faux, c’est dans ce sacrifice que sont nos âmes et notre force.
C’est sur cette voie que nous appelons l’aide de votre esprit et de vos services, à notre Maître et Père ! en embrassant vos mains et vos pieds.
Votre frère en Jésus-Christ et votre compagnon dans le service à Dieu,
Édouard DUNSKI, prêtre.
P. S. J’ajoute quelques mots sur ma santé, dont vous vous informez, mon Père. Les eaux de Kreutznach ne m’ont pas fait de bien ; depuis le milieu de novembre, peu de jours après mon retour de Zurich, je me sens faiblir de plus en plus. Mais selon le devoir que vous nous éclaircissez, mon Père, de soutenir dans chaque position la fidélité à Dieu, le caractère chrétien, je m’efforce dans ma position de malade de soutenir ce caractère. Je me tiens dans une entière soumission à Dieu, à sa sainte Volonté, sans choisir moi-même entre la santé et la maladie, entre la vie et la mort ; je ne désire et ne cherche rien d’autre que d’accomplir ce que Dieu m’a destiné d’accomplir encore dans cette vie. Notre acte, qui doit être déposé à l’ambassade de Russie, me remplit de joie. Cette action des serviteurs de l’Œuvre sainte, c’est le fruit de vos sacrifices chrétiens, mon Maître, c’est l’adoration de Dieu en esprit et en vérité sur le champ de la vie publique ; cette action sera incompréhensible pour beaucoup de personnes hors de l’Œuvre, car il n’y a pas encore sur la terre d’amour vrai pour la croix de Jésus-Christ, pour ses sacrifices qui seuls sauvent l’homme et les nations.
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Quoique les travaux et les sacrifices énoncés ci-dessus ne soient qu’une faible partie des travaux et des sacrifices que l’abbé Dunski a accomplis comme magistrat de l’Église et comme serviteur de l’Œuvre de Dieu, ils peuvent prouver à chacun combien il a été un zélé serviteur de Jésus-Christ et de son Église, avec quel zèle il accomplissait les devoirs d’un chrétien et d’un prêtre de ces temps. Nous qui avons été plus rapprochés de sa personne, nous puisons la conviction que nous exprimons ici, non-seulement dans ses écrits, mais aussi dans tout ce que nous avons vu et entendu dans les fréquents entretiens où il nous faisait ses épanchements fraternels chrétiens, où il nous ouvrait son âme.
L’abbé Dunski, accomplissant le devoir d’un chrétien de ces temps, a connu à quoi Dieu dans ces temps appelle l’homme ; il a aimé cet appel de Dieu, il y a répondu suivant ses forces, et en le faisant, il profitait pour son salut des bienfaits que Dieu, dans ces temps qui commencent l’Époque chrétienne supérieure, répand sur tout homme obéissant à son appel. Accomplissant les devoirs du prêtre de ces temps, il a beaucoup travaillé et s’est sacrifié beaucoup pour connaître jusqu’au fond ce dont il s’agit dans cette Œuvre qui porte le titre suprême d’Œuvre de Dieu, pour se convaincre si, sous les formes et les noms chrétiens, ne se cachait pas quoi que ce fût de contraire à la très-sainte doctrine de Notre Seigneur Jésus-Christ ; et s’étant convaincu que cette Œuvre est réellement l’Œuvre de Dieu, qu’il s’y agit uniquement de l’accomplissement du Verbe de Dieu, du progrès chrétien de l’homme, et par ce progrès, de l’élévation de l’Église, de l’extension du Royaume de Jésus-Christ sur la terre, après s’en être convaincu et l’avoir apprécié au fond de son âme, il a accepté l’Œuvre de Dieu dans laquelle, comme il le disait souvent, il voyait son propre salut, le salut de son prochain et de sa patrie ; il s’est voué entièrement à cette Œuvre, il l’a prise pour l’unique but de sa vie, et cette tendance, il ne l’a pas interrompue jusqu’à son dernier moment.
Dans cette tendance, l’abbé Dunski a accepté la lumière chrétienne plus étendue qui est donnée à l’homme dans l’Œuvre de Dieu, il l’a acceptée avec ce sentiment profond que cette lumière est une parcelle de cette immensité de lumière du Verbe, que Jésus-Christ, le Verbe incarné, a apportée et transmise à l’homme sous le voile des mystères, et que, dans les Époques chrétiennes, Il dévoile, en appelant l’homme sur le champ de plus en plus vaste des devoirs chrétiens, sur des degrés de plus en plus élevés de sa voie, de son Église, de son Royaume ; – dans cette lumière, l’abbé Dunski a vu l’Époque supérieure, ce degré supérieur de la voie, de l’Église, du Royaume de Jésus-Christ, ce progrès chrétien ultérieur de l’homme ; dans cette lumière, il a vu cette suite non interrompue du progrès qui, de la base posée par Jésus-Christ, doit s’élever de plus en plus dans les Époques chrétiennes jusqu’à la hauteur sur laquelle Jésus-Christ s’est établi, qu’Il a montrée et transmise à l’homme comme modèle du Verbe accompli, comme modèle de la victoire et du progrès destinés par le Verbe de Dieu ; – par suite de cette lumière plus grande, la foi de ce prêtre est entrée, jusqu’à un degré que Dieu a marqué, dans le domaine de son amour agrandi ; il avait aimé ce en quoi il avait foi, mais il l’a aimé encore plus dès qu’il l’a vu dans son esprit ; par son sentiment, et dès qu’il l’a connu comme homme par sa raison ; – de cet amour plus grand, il a aimé l’Époque supérieure, le progrès ultérieur, l’accomplissement ultérieur du Verbe de Dieu ; par cet amour plus grand, il a accepté le sacrifice plus grand, et par la force de cet amour et de ce sacrifice plus grands, il est entré dans l’Époque supérieure, afin d’y faire son progrès, afin d’y accomplir davantage le Verbe de Dieu ; – dans l’Époque supérieure, ayant connu ses devoirs sacerdotaux plus étendus, il les a accordés avec les devoirs qu’il avait jusqu’alors, et il a commenté à les accomplir par la force de cet amour et de ce sacrifice augmentés ; en continuant sur le degré supérieur de la voie chrétienne sa vocation, son ministère sacerdotal, il a servi de ce degré le prochain, il l’a introduit, il l’a guidé dans l’Époque supérieure, il a travaillé pour lui sur le champ plus vaste de l’Époque, dans cette vigne de Jésus-Christ plus étendue dans ces temps. Par cette tendance supérieure, l’abbé Dunski a donné l’exemple, a frayé la route pour l’avenir, et il y a déjà des prêtres qui, avec la bénédiction de Dieu, suivent son exemple dans la voie frayée par lui.
De ce poste chrétien supérieur, l’abbé Dunski a servi l’Œuvre de Dieu, et il a beaucoup contribué à l’élever. Comme prêtre dans l’Époque supérieure, et, d’après le devoir de prêtre, comme apôtre de cette Époque, il témoignait de l’Œuvre de Dieu en particulier et publiquement devant ses magistrats, il appelait son prochain à connaître et à accomplir ce que Dieu exige aujourd’hui de l’homme, il l’enseignait et en facilitait la connaissance et l’accomplissement ; il défendait l’Œuvre de Dieu contre les jugements et les persécutions, il luttait contre la mauvaise volonté qui multiplie ses efforts pour arrêter l’Œuvre de Dieu, pour arrêter par là le progrès chrétien de l’homme, pour remplacer le sacrifice, la croix de Jésus-Christ, cette essence chrétienne, par la forme chrétienne seule ; comme magistrat de l’Église de Jésus-Christ, il a fait des réclamations et des reproches pour l’offense faite à Jésus-Christ, pour les outrages faits à son Église ouvertement ou sous des formes ; supportant avec amour et humilité les obstacles qu’il rencontrait dans cette tendance, souffrant beaucoup pour Jésus-Christ, il a présenté le caractère du chrétien et du prêtre de ces temps.
De cette manière, l’abbé Dunski, accomplissant les devoirs de sa vocation, a manifesté son amour et son adoration vraie, vivante pour tout ce qu’il a connu et accepté dans l’Œuvre de Dieu ; car tout cela il l’a accompli, réalisé, pratiqué par son sacrifice plein, non divisé, c’est-à-dire par le sacrifice qu’il déposait devant Dieu en esprit, dans sa prière, et par le sacrifice qu’il déposait devant Dieu et devant le prochain, en réalisant sa prière, comme homme, dans toutes ses actions, dans toute sa vie ; c’est dans cet amour et ce sacrifice que ce prêtre servait son prochain, qu’il lui transmettait, lui enseignait ce qu’il portait en lui-même, ce qui vivait en lui par cet amour et ce sacrifice. Et Jésus-Christ bénissait les travaux de son fidèle serviteur : plusieurs de ceux qui n’étaient pas dans l’Église, et qui, à cause de la forme chrétienne qu’ils observaient strictement, se considéraient comme des fils zélés de l’Église, et plusieurs de ceux qui, repoussant ouvertement la forme et l’essence chrétiennes, s’éloignaient de l’Église, les uns et les autres ont accepté l’essence chrétienne et ont commencé à la manifester dans des formes chrétiennes vraies et vivantes, car ces formes reproduisaient ce qu’il y avait dans l’intérieur de l’homme, et étaient vivifiées par l’esprit qui vivait par l’amour et le sacrifice de l’homme. C’est ainsi que les uns et les autres, imitant Jésus-Christ dans l’essence et dans la forme, sont entrés dans l’Église de Jésus-Christ, et en étendant, en élevant l’essence qu’ils ont acceptée, et en reproduisant cette essence dans la forme qui ne change jamais, mais qui devient toujours plus vraie, plus vivante, ils s’élevaient à un degré plus haut dans l’Église, et par là ils élevaient l’Église, ils étendaient le Royaume de Jésus-Christ sur la terre. À cela je dois ajouter encore que non-seulement ceux qui ont profité des services de ce prêtre ont eu pour lui de l’amour et de la vénération, mais que même beaucoup de ceux qui rejetaient la Miséricorde de Dieu et étaient ennemis de l’Œuvre de Dieu l’aimaient et le respectaient aussi. La haine pour l’Œuvre de Dieu, venant de la haine pour la croix, pour le sacrifice que cette Œuvre rappelle à l’homme, perdait son caractère dur devant un si grand amour et devant la pratique de la croix, du sacrifice ; le Verbe de Dieu vivant et se manifestant en partie sur la terre par l’amour et le sacrifice de ce prêtre dissipait, on peut le dire, comme le soleil du jour de Dieu, les nuages des passions et de la haine…
En voyant durant plusieurs années ces heureux fruits des travaux et des sacrifices de l’abbé Dunski, nous avons vénéré la pensée de Dieu qui a reposé sur lui, comme magistrat de l’Église, et qui a été accomplie par lui ; nous avons vénéré le grand mérite et le grand honneur chrétien de ce prêtre qui, accomplissant dans l’Époque supérieure son ministère sacerdotal, l’a étendu et élevé, et par là l’a rapproché de la plénitude qui lui est destinée par le Verbe de Dieu ; de ce prêtre qui, ayant élevé la sainteté et la puissance de son ministère, a soumis à l’Église plusieurs hommes qui avaient été précédemment opposés à l’Église et à ses magistrats. Quoique ce flambeau de l’Église ait déjà cessé d’éclairer visiblement l’homme, cependant le souvenir de ce que nous avons vu et le respect que nous en conservons vivent toujours plus dans nos cœurs ; avec ce souvenir et ce respect vivants, nous avons rendu les derniers devoirs à ce magistrat élevé et en même temps notre frère en Jésus-Christ et notre compagnon dans le service pour Jésus-Christ ; en lui rendant avec le même souvenir et le même respect le dernier des derniers devoirs, nous renfermons dans quelques mots son mérite et son honneur chrétien, et nous inscrivons sur sa tombe ces mots : « Prêtre zélé, et par son ministère sacerdotal, zélé serviteur de l’Œuvre de Dieu... Paix à son âme, et à nous tous son exemple salutaire ! »
Est-il possible que celui qui portait un si profond sentiment de la sainteté de l’Œuvre de Dieu, tant d’amour et de vénération pour cette Œuvre, qui a déposé tant de fruits de ce sentiment pendant les dix dernières années de sa vie vouées uniquement à ce but, ait pu renier ce sentiment, renier par là sa fidélité envers Jésus-Christ, envers l’Église de Jésus-Christ, et envers cette Œuvre que Jésus-Christ fait pour son triomphe, pour l’élévation et l’extension de son Église, de son Royaume sur la terre ? Ce prêtre ne séparait pas Jésus-Christ de son Église et de son Œuvre, c’étaient pour lui les objets d’un même amour, d’une même adoration et des mêmes sacrifices, c’était son unité chrétienne, il y voyait tout pour lui : le Verbe de Dieu, la pensée de Dieu qui repose sur l’homme, la volonté de Dieu pour l’homme, et dans l’accomplissement de ce Verbe, de cette Pensée, de cette Volonté de Dieu, il voyait son progrès chrétien, son salut éternel et son bonheur temporel. Est-il donc possible que cette grande vie, que ce saint feu chrétien se soit éteint dans ce prêtre, la veille de sa mort, lorsque, par son amour et son sacrifice, il entretenait cette vie, ce feu pendant des années sans interruption au milieu des obstacles si grands qu’il rencontrait pour sa tendance supérieure, au milieu des souffrances si aigues de son corps, dans sa longue et douloureuse maladie ? Nous avons vu tout cela, l’ayant suivi presque à chaque moment ; et chacun peut s’en convaincre par la suite non interrompue de ses travaux sacerdotaux et apostoliques dont témoignent ses écrits ; on peut s’en convaincre aussi par l’opinion des médecins qui, pendant les années de sa douloureuse maladie, admiraient en lui cette vie, cette patience, cette sérénité de l’esprit et de l’homme, continuellement soutenues jusqu’à son dernier moment, admiraient cette force surnaturelle dans un corps qui, d’après ses lois, aurait dû déjà se dissoudre depuis longtemps, et accélérer sa mort. C’était la vie intérieure, c’était le feu chrétien brûlant dans l’âme de ce vrai chrétien, qui a fait, selon la loi céleste, ce qui, selon la loi terrestre, ne pouvait être fait.
C’est à la conscience de chacun de se convaincre à ce sujet, d’accepter ou de rejeter le jugement porté contre ce caractère élevé, chrétien et sacerdotal ; quant à nous, nous regardons comme un devoir sacré pour nous de défendre pendant toute notre vie, comme nous les défendons aujourd’hui, notre sentiment et notre foi à cet égard. Défendre contre l’abaissement tout mérite, toute valeur chrétienne du prochain, défendre ce qui constitue une certaine élévation, un certain degré de l’Église de Jésus-Christ, c’est défendre l’Église même, qui, par l’abaissement de quelque mérite, de quelque valeur chrétienne que ce soit, est atteinte dans sa parcelle, est atteinte aussi dans son tout ; car le progrès chrétien de l’homme, le progrès qui est la vie de l’Église, qui seul bâtit, élève l’Église, s’arrête lorsque l’homme, voyant la valeur chrétienne abaissée dans le monde, perd l’amour, le respect dus à cette valeur, et cesse de tendre à l’acquérir ; lorsqu’il perd la mesure chrétienne, lorsqu’il perd l’idéal, le modèle de la tendance chrétienne, et que, ne pouvant vivre sans tendance, il accepte les mesures, les idéals, les modèles des royaumes inférieurs ou faux.
Vénéré Prêtre et Père bien-aimé, quoique par les actions que vous avez laissées sur la terre, vous vous défendiez suffisamment vous-même, acceptez ce faible effort que nous faisons pour votre défense, afin que nous nous acquittions au moins en partie de notre dette d’amour, de vénération et de reconnaissance envers vous. – Quoique, en nous regardant d’en haut, vous voyiez nos sentiments, nous les manifestons et nous ne cesserons de les manifester, dans la conviction que c’est nécessaire à votre amour du prochain, au bien de votre prochain, qui, partageant nos sentiments pour vous, se rapprochera de vous, du modèle que vous avez présenté, et par là se rapprochera de Jésus-Christ et de son Église. – Par les mérites et les souffrances de votre vie, ayant expié les fautes de la vie, vous avez atteint, nous le sentons, le poste auquel vous ont élevé dans la vie éternelle vos sacrifices et vos mérites ; et pour finir ce que vous avez commencé dans le monde, vous vous êtes uni là à ceux à qui il est destiné dans ces jours de direction d’appuyer l’Œuvre de la Miséricorde de Dieu, de secourir l’homme par la croix de Jésus-Christ portée par l’homme. Quelque indignes que nous soyons de soulever le voile des arrêts de Dieu, c’est ainsi que dans notre sentiment nous vous voyons, Père ; c’est en vous voyant ainsi que nous déposons devant vous notre respect, que nous nous recommandons à votre union et à votre protection ; soyez pour nous à l’avenir ce que vous avez été dans le passé, même père conducteur, même frère en Jésus-Christ et compagnon dans le service pour Jésus-Christ !
Et vous, ô Seigneur ! « devant qui les Cieux mêmes ne sont pas purs », daignez, dans votre Miséricorde, combler les défauts de votre serviteur qui s’est sacrifié pour la sanctification de votre Nom, pour le triomphe de votre Fils et de son Église ! – Que votre Miséricorde le maintienne là où nous osons le voir dans nos sentiments ! – Que la lumière éternelle brille pour lui, qu’il repose dans la paix éternelle !
Au nom de tous les serviteurs de l’Œuvre de Dieu,
Charles ROZYCKI,
Ancien colonel de l’armée polonaise.
31 mai 1857. Paris.
1 « Dans la lettre publiée dans notre numéro du 1er mai, par laquelle il nous demandait l’insertion des lettres de M. l’abbé Cellier à M. l’abbé Buquet, M. l’abbé Jelowicki nous disait : « Ces lettres nous ont été communiquées à cette fin (d’être publiées) par M. l’Archidiacre lui-même. » (Note de L’UNIVERS.)
2 Je joins ici la lettre de M. Towianski à Sa Sainteté Grégoire XVI, de sainte mémoire, qui a été adressée de Ronciglione, près de Rome. Cette lettre vous donnera quelques détails de sa mission. Le zèle imprudent de mes compatriotes à Rome et peut-être d’autres causes ont fait que M. Towianski a été expulsé de Rome par la police, sans avoir pu voir le Pape, ni même le Cardinal Secrétaire d’État. L’affaire de M. Towianski aurait pu être connue par le Saint-Siège, il y a déjà quelques années, si les hommes n’avaient pas empêché le cours ordinaire de la justice. M. Towianski est resté dernièrement à Avignon plusieurs mois en attendant de pouvoir continuer son voyage à Rome. (Note de l’abbé DUNSKI.)
En publiant les écrits de l’abbé Dunski, je ne publie pas les pièces qu’il y a jointes et qui ne sont pas de lui. (Note de Ch. R.)
3 On trouvera cette lettre plus bas, à la suite des témoignages, marquée n° 2.
4 Je dois à la vérité de déclarer que dans les papiers du défunt se trouvent beaucoup de preuves de sa reconnaissance envers M. le grand Vicaire *** pour l’intérêt et la confiance dont celui-ci l’honorait ; les pouvoirs de confesser furent rendus à l’abbé Dunski en 1855, le 3 avril. (Note de Ch. R.)
5 Sujet aux attaques pulmonaires du sang, j’ai écrit cette première page à grand’peine ; et sentant que je ne pourrais continuer cette lettre sans exposer ma santé, j’ai été obligé d’employer la main d’un ami ; de quoi je vous prie, mon Père, de m’excuser. (Note de l’abbé DUNSKI.)